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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 16:19

 

Collectage à Prézégat dans les années 1930

 

Gaston Le Floc’h et Fernand Guériff collectèrent des chansons à Prézégat dans les années 1930.

J'ai pu en retrouver deux .

  • Belle, allons-y nous promener (le tueur de femmes)
  • Sire Enguerrand

 

La deuxième chanson est très curieuse car c’est une adaptation populaire d’un écrit littéraire du 18eme siècle.

Le texte que j’ai pu trouver sur Internet ‘une chanson de Jacques Cazotte tombé dans le folk-song’ par Fernand Guériff écrit dans une revue …allemande est tronqué pour cause de copyright.

J’ai donc mis dans cet article la version originale de Jacque Cazotte.

 

 

  1. Belle, allons-y nous promener

Chanté par M. Delvigne, Prézégat, 1937.

Récolte Gaston Le Floc'h.

Source : Fernand Guériff "Trésor des chants populaires folkloriques du Pays de Guérande", vol. 3, page 239


Belle, allons-y nous promener

(Le tueur de femmes)

 

 

— Belle, allons-y nous promener,
Le long de la rivière

 

bis

 

Belle, allons-y, belle allons donc
Bien du plaisir nous prenderons.

 

bis

 2.
Ils ne fur'nt pas à mi chemin
Qu'la bell' demande à boire.
Avant de boir' de ce vin blanc,
Il me faut goûter de ton sang !

3.
— Bel amant puisqu'il faut mourir,
Délace ma chaussure,
Délace-moi, délace-moi,
Amant, pour la dernière fois.

4.
Le bel amant s'mit à genoux,
Pour délacer la belle
Un coup de pied lui a donné,
Dedans la mer ell' l'a jeté.

5.
— Qui donc, la bell', te conduira,
Au château de mon père ?
— Ce n's'ra pas toi, méchant garçon
Car les poissons te mangeront !

6.
Petits poissons accourez tous
Pour manger ce jeune homme
Mangez-le bien, mangez-le tout,
Afin qu'i n'revienn' plus chez nous.

 

 

2. « Sire Enguerrand »


Chanté par Madame Jacobert, Prézégat, 1930

Récolté par Gaston Le Floc’h et Fernand Guériff

 

 

Extrait de « une chanson fantastique de Jacques Cazotte tombée dans le folksong » de Fernand Guériff publié dans « Jahrbuch für Volksliedforschung », 1992

 

gueriff prezegat

« la veillée de la bonne femme ou sire enguerrand» .

Il s’avéra que cette chanson avait pour origine la chanson créée par Jacques Cazotte (1719-1792),

un auteur étrange, versé dans l’ésotérisme.

 

 

cazotte portrait
 Jacques Cazotte, 1719-1792


 

N’ayant pas la totalité du texte de Fernand Guériff, je vous donne la version originale de cette chanson.On peut imaginer que la version de Prézégat avait quelque peu divergé.

 

Il serait intéressant de savoir si la version collectée de 1930 rectifiait la bonne prononciation des « oi » du 18eme siecle .

(écrit oi mais prononcé ait)

 

 

Voici quelques images de cette chanson  tirés de « le diable amoureux » , publication de 1871, éditions Plons,  du travail de Cazotte commenté par Gérard de Nerval.

 

cazotte1

   



cazotte2


 cazotte3

 

cazotte4

 

cazotte5

 

 

 

Voici la version que j’ai pu trouver :

 

 

LA VEILLEE DE LA BONNE FEMME

ou

LE RÉVEIL D'ENGUERRAND.

Air : Hélas! ma bonne, hélas! que j'ai grand'peur.

 

 

Tout au beau milieu des Ardennes,
Est un château sur le haut d'un rocher ,

Où fantômes sont par centaines;
Les voyageurs n'osent en approcher:
Dessus ses tours 
Sont nichés les vautours ,
Les oiseaux de malheur.
Hélas ! ma bonne, hélas! que j'ai grand'peur.

 

Tout à l'entour de ses murailles,
On y entend les loups-garoux hurler ;

On entend traîner des ferrailles,
On voit des feux , on voit du sang couler,
Tout à la fois 
De très-sinistres voix
Qui vous glacent le cœur.
Hélas! ma bonne , hélas! etc.

 

Sire Enguerrand venoit d'Espagne,
Passant par là , cuidoit se délasser ;

Il monte au haut de la montagne:
Faites mon lit ; je veux me reposer.
Beau cavalier,
Restez en étrier;
Vous mourriez de frayeur,
Hélas ! ma bonne, hélas! etc.

 

Par la sembleu, par la cent diable!

Me prenez-vous pour un jeune écolier?

Faites du feu , dressez la table;

 Mettez des draps, venez me débotter.

Nous les verrons

Tous ces esprits félons

 Qui font tant de frayeur.

 Hélas! ma bonne , hélas ! que j'ai grand'peur

 

Bonsoir, vous dis, mon capitaine,
Tenez-vous bien ferme sur l'oreiller. —

De moi ne soyez point en peine,
Le diable y soit, j'ose le défier. —
Monsieur, tout doux!
D'aussi fermes que vous
Y ont manqué de cœur. —
Hélas! ma bonne , hélas! etc.

 

Vers minuit, voilà grand tapage ,
Tout le château commence à s'ébranler;

On entend des cris pleins de rage ,
Tous les enfers semblent se rassembler.
Quels hurlemens!
Quels grincemens de dents!
Que de cris ! que d'horreur!
Hélas! ma bonne , hélas! etc.

 

Tout-a-coup , par la cheminée ,
On voit et tètes et cornes tomber ;
Des pieds , des mains , une nuée
Sur les parois, partout semblant flamber.
En même temps,
Des portes les battans
S'ouvrent. avec rumeur.
Hélas! ma bonne, hélas! etc.

 

Un démon de figure hideuse
Étoit traîné par cent diables affreux;

Sa bouche étoit toute écumeuse ,
Le plomb fondu lui découloit des yeux;
Et ses cheveux,
Tout embrasés de feux,
S'hérissoient de douleur.
Hélas ! ma bonne, hélas! que j'ai grand'peur!

 

Sur ses épaules déchirées,
Les démons fouettoient à coups redoublés;

Les fouets dont leurs mains sont armées
Sont des serpens des plus envenimés;
Il veut crier;
Un crapaud , du gosier
Lui sort avec clameur.
Hélas ! ma bonne , hélas ! etc.

 

Une ombre toute échevelée
Va , lui plongeant un poignard dans le cœur ,

Avec une épaisse fumée
Le sang en sort, si noir qu'il fait horreur;
Avec éclat
Criant : meurs, scélérat! .
Expie ta fureur !....
Hélas! ma bonne, hélas ! etc.

 

Malheureuse ame réprouvée",
Dit Enguerrand en élevant la voix:

Qui t'amène en cette contrée?
De par le ciel, écoute et réponds-moi....
En soupirant,
L'ombre au même moment
Lui répondit: monsieur,
Hélas ! ma bonne , hélas! etc.

 

Le comte Anselme étoit mon père ,

Prince il étoit de tous les alentours

Belle j'étois , j'en étois fière ;

 Sage j'étois , je l'eusse été toujours.

 De mes beaux yeux

 Las ! ce monstre odieux ,

S'éprit pour mon malheur.

Hélas! ma bonne , hélas! que j'ai grand'penr I

 

De prêtre il n'avoit que la mine,
Et de mon père il étoit aumônier.

Au lieu de prêcher là doctrine
Qu'à des chrétiens il devoit enseigner,
Ne faisoit rien
Que penser au moyen
De m'enlever l'honneur.
Hélas! ma bonne , hélas ! etc.

 

Tous les matins , à l'aventure ,
J'allois au bois pour y prendre le frais;

Dans le cristal d'une onde pure
Je me plaisois à mirer mes attraits;
Nulle beauté ,
Disoit ma vanité ,

Ne m'égale en splendeur.
Hélas ! ma bonne , hélas! etc.

 

Son ame au désespoir livrée,

 Pour obtenir l'objet de son ardeur,

Va sur une route croisée

 Pour se donner au père de l'erreur,

 Et le démon

Lui oetroya le don

 De me ravir une fleur.

 Hélas ! ma bonne , hélas ! etc.

 

Là, tout auprès d'une fontaine ,

 Certaine rose aux yeux faisoit plaisir;

Fraîche , brillante , éclose à peine;
Tout paroissoit induire à la cueillir ;
Il vous sembloit
Las ! qu'elle répandoit
La plus aimable odeur.
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j'ai grand'peur!

 

J'en veux orner ma chevelure
Pour ajouter plus d'éclat à mon teint;

Je ne sais quoi, contre nature ,
Me repoussoit quand j'y portois la main.
Mon cœur battoit,
Et en battant disoit:
Le diable est sous la fleur.
Hélas ! ma bonne , hélas ! etc. ,

 

A Peine en suis-je la maîtresse ,
Comment en pourrois-je faire le récit?

Je me sens tomber en faiblesse;
Le malheureux son dessein accomplit:
Et puis le sort
Fait que, sans nul remords,
J'en goûtai la douceur.
Hélas ! ma bonne , hélas! etc.

 

Revenant à moi : vas, infâme ,
Tu m'as perdue ! ah ! lâche, tu mourras!

Alors de courroux il s'enflamme,
Et le démon le poussoit par le bras;
D'un œil hagard,
Il tire un grand poignard,
Et me percé le cœur.
Hélas! ma bonne , hélas! etc.

 

Pour dérober ce crime énorme ,

 Il veut, aidé du secours de Satan ,

Faire une fosse au pied d'un orme ,

Mais aussitôt elle s'emplit de sang ,

 Qui contre lui

 Se tourne et rejaillit

 D'une grande fureur.

 Hélas ! ma bonne , hélas ! que j'ai grand'peur !

 

Il veut aller a la fontaine ,
Pour effacer la trace de ce sang;

Mais le méchant perdoit sa peine ,
Plus il frottoit, plus la tache s'étend.
Puis , dans le bois
De mon père la voix
Redouble sa terreur.
Hélas! ma bonne, hélas ! etc.

 

Ou m'enfuirai-je ? misérable!
Pour m'engloutir, abîme, entr'ouvre-toi.

D'un air officieux, le diable
Se change en bouc : monte , dit-il, sur moi,
Et ne crains rien;
Viens , mon cher ami, viens ,
Fidèle serviteur.
Hélas ! ma bonne, hélas! etc.

 

Ii. monte; et, sans qu'il s'en étonne ,
Il sent sous lui le diable détaller:

Sur son chemin l'air s'empoisonne
Et le terrain sous lui semble brûler.
En un instant
Il le plonge vivant
Au séjour de douleur.
Hélas ma bonne, hélas ! etc.

 

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