Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)
Cette publication 7 présentera les points de convergence entre le Parler du Pays de Retz et le Gallo « standard
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Avant propos de Karrikell
J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.
La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .
Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !
Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .
Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .
Lisez Thierry Magot !
Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .
Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.
Hervé Brétuny, Blog Karrikell
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Partie III
Quels sont les points de convergence entre le Parler du Pays de Retz et le Gallo « standard, tel que défini précédemment ?
Nous allons en premier essayer de repérer les points de convergence entre le parler du Pays de Retz (observé à partir des sources présentées dans la Partie II-B) et le Gallo « standard ».
Par ce terme, défini dans la partie II-A, nous entendons un Gallo qui se veut « moyen », axé approximativement sur les parlers du Centre Ouest, ceux de la région située entre le Mené et Brocéliande, à la jonction des 3 départements Gallo de la Bretagne administrative (départements 22-35-56) » (voir figure 7 à la fin de cette Partie).
Donc une forme de Gallo qui a priori exclut la Loire Atlantique. Ce choix a été effectué empiriquement à la fin des années 2000 par la création d’une graphie empirique ABCD (Association des Enseignants de Gallo, 2009) pour s’adapter à cette forme de Gallo.
Ce Gallo « standard » a été illustré par cette graphie ABCD, en terme de vocabulaire, par l’ « Imagier du Gallo » d’A.M. Pelhate (2014). Ce Gallo « standard » est devenu depuis 2017 la forme de Gallo officielle de l’Institut du Galo (associé à cette Graphie ABCD), dans les diverses activités de cet Institut : méthode d’apprentissage de langue (« Chemine de Galo », F. Lécuyer, 2021), activités de sensibilisation au Gallo en milieu scolaire (association Cllassiers) …
Dans notre recherche comparative entre le parler du Pays de Retz et le Gallo « standard », nous allons aborder successivement différents aspects :
Les termes spécifiques présents en toponymie générale
Les titres en Gallo des publications sur le sujet depuis les années 80
Les traits de phonétique/prononciation du parler du Pays de Retz par comparaison avec la méthode « Chemine de Galo », bien que celle-ci n’ait pas développé de support audio en cohérence avec la méthode écrite.
Le vocabulaire du parler du Pays de Retz par comparaison à celui décrit dans « L’Imagier du Gallo » : les grands classiques du vocabulaire Gallo, le fonds commun Gallo, les éventuelles traces du Breton dans le vocabulaire.
Les points de grammaire du parler du Pays de Retz, par comparaison avec les points décrits dans la méthode « Chemine de Galo ». Notre démarche sera éventuellement étayée par comparaison avec les 4 autres méthodes d’apprentissage de Gallo précédemment publiées au cours des décennies :
- « Le Galo d’amaen por tretots. Méthode élémentaire de Britto-Roman » Collectif Aneit (1988).
- « Apernon le Galo ! Méthode de Gallo pour débutants » Association Bertaeyn Galeizz (1992).
- « Parlons Gallo. Langue et culture » N. Trehel-Tas, ed. L’Harmattan (2007).
- « Le Galo ben d’amaen. Le gallo pratique » C. Simon Association Sibel e Siben (2014).
Au cours de cette étude, nous repèrerons aussi bien sûr des points de divergence (c’est un peu le but de ce travail), nous ferons un premier tri de ces points de divergence en confrontant ces différences à des connaissances que nous pouvons avoir sur ces points dans différents parlers :
Nos connaissances personnelles familiales (Partie I) sur le Gallo du Pays de Loudéac (complétées par les données de Claude Bourel, voir Partie I), du Goëlo (complétées par les données de Hervé ar Gall sur le Gallo de Pordic « Le petit Milot », 2022) et du Vendelais (complétées par les données de J. Choleau sur le parler de Vitré, voir Partie-I), c’est-à-dire des parlers unanimement considérés comme représentés par le Gallo « standard ».
Les informations directes apportées dès les années 80 par nos plus précieux correspondants des enquêtes de l’association Aneit (voir Partie I) :
*Deux correspondants du domaine du Gallo « standard » :
. Cecile Le Jean de Vieux Bourg Quintin (Haut-Goëlo)
. Pierre Hervo de La Gacilly (Vannetais Gallo)
*Trois correspondants de Loire Atlantique :
. Serge Jouin et sa Thèse particulièrement complète et détaillée sur le parler d’Abbaretz (auquel nous associerons les activités et le dictionnaire de l’Atelier de la Maison de Retraite d’Heric Dictionnaire / Motier - Maison de retraite Heric, tous deux du Pays Nantais
. Léon Brétéché de Prinquiau, auquel nous associerons les écrits très typés de Arthur Maillard sur le parler de Bouvron (« Le parler du Pays de Bouvron », éd. Label LN, 2009) et de Stéphane Glotin sur le parler de Campbon (in « Rasserrerie d’ecrivaijes du Paiz Galo », ed. Rue des Scribes, 2014), tous trois du Pays de Coislin, petit pays du Nord Loire, moins structuré que le Pays de Retz, qui part de Pontchâteau jusqu’à Blain, symétrique du Pays de Retz par rapport à l’estuaire de la Loire (voir carte de la figure 7).
. Sylvaine Billot pour des nuances sur le Parler du Pays de Retz, pays contesté dans sa bretonnité (Partie II-B)
Nous effectuerons cette étape comparative dans le but d’évaluer rapidement quels sont les traits convergents avec le Gallo « standard ». Dans ce cas nous affecterons à ces principes de convergence une couleur verte. Si le trait du Pays de Retz est au contraire divergent par rapport au Gallo « standard », une couleur rouge sera associée. Mais si ce trait divergent entre parler du Pays de Retz et Gallo « standard » est retrouvé aussi dans un des parlers de nos correspondants et n’est donc pas exclusif au parler du Pays de Retz il sera ajouté une astérisque verte*
Des évidences immédiates ?
Les grands traits de la toponymie ?
En Gallo « standard », des « Mousseaux » (prononcés en Gallo standard « moussiao ») sont des tas et à partir de ce mot, on a des dérivés comme « amousseler » pour mettre en tas, entasser, amonceler. A Pornic, le nom de « Mousseaux » a été donné à des tas de pierre bien particuliers car il s’agit du plus grand tumulus du Pays Nantais, mais visiblement considéré à l’époque de la création du toponyme comme de simples tas de pierres.
En Gallo « standard » un « Pé » est une butte, une colline, en toponymie ou dans des expressions comme « aller o le pé » pour aller en montant, monter. Issu du latin « podium », il correspond au Français géographique « Puy », comme le « Puy de Dôme » et le « Puy de Sancy » en Auvergne, à l’Occitan « pech, puech » et au Catalan « puig » qui a donné le nom de famille occitan « Delpech » (le chanteur) ou catalan « Puigdemont »(l’ancien Président indépendantiste de Catalogne en exil).
En Pays de Retz, on trouve un certain nombre de « Pé » comme à Machecoul et au Pellerin, mais qui, platitude d’un pays de bord de l’eau oblige, correspond souvent à une surélévation de seulement 1 mètre au-dessus du niveau du marais. La récente association qui se donne comme but de relever le niveau des publications en Gallo, en publiant des traductions d’auteurs de haut niveau littéraire s’est donnée le nom de « Olepei ». On peut voir dans la partie II-A (dont la figure 3) que la forme en « pé » du Pays de Retz est spécifique du Gallo dans le continum-transition (T2) et que dès le Mainiot ou l’Angevin on trouve la forme française en « pui ».
En Gallo « standard », une « Noe » (écrit souvent « Noë » et quelque fois malheureusement prononcé « Noé » comme le Noé de la Bible au lieu de « Nô ») est une prairie humide. Issu du Gaulois « nauda », ce terme a donné des noms de famille, comme « Delanoë », nom de l’ancien maire de Paris d’origine malouine. En Pays de Retz il y a une multitude de nom en « Noë » prononcés en « Noue », en particulier à Fresnay en Retz, la « Noë Briord », nom du village natal de François de La Noue, surnommé Bras-de-Fer qui était un compagnon d’Henri IV.
En Gallo « standard », une « rabine » est une allée ou une avenue bordée d’arbres. L’allée bordée d’arbres de Machecoul qui mène au Parc d’exposition est officiellement appelée « Allée de la Rabine » (pléonasme Français-Gallo). On trouve en Breton le même mot « rabin » dans le même sens d’allée bordée d’arbres.
Ces 4 toponymes particuliers du Pays de Retz montrent la convergence avec les formes classiques du Gallo « standard » obtenues sur l’ensemble de la Haute-Bretagne.
2- Les grands titres en Gallo « standard » sont-ils adaptés au parler du Pays de Retz ?
Tous ces titres auraient leurs correspondants identiques en parler du Pays de Retz (aux problèmes de graphie près). De haut en Bas et de Gauche à Droite :
« Sur l’ile noire ». Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Su l’ile nère ».
« Les bijoux de la Castafiore ». Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Les dorures à la Castafiore ».
« Le secret de la Licorne ». Serait prononcé en parler du Pays de Retz « La cuterie de la licône ».
« Le Gallo facile pour tous » Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Le Gallo d’amain pour tertos ».
« Notre langue aujourd’hui » Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Noute langue anét ».
« Le lien » Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Le yan ».
Revue « Peut-être ». Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Vantyé ».
« Alors, le Gallo qu’est-ce que c’est ? » Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Le Gallo qui qu’ c’ét don ».
« Le Gallo bien facile ». Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Le Gallo ben d’amain ».
« Méthode de Gallo pour adultes » Serait prononcé en parler du Pays de Retz « Chemine de Gallo pour le monde venu ».
« Apprenons le Gallo » serait prononcé en parler du Pays de Retz « Apernon le galo ».
Dans tous les cas présentés ici, on observe une convergence entre le parler du Pays de Retz et le Gallo « standard ».
B- En allant un peu plus loin dans les convergences avec le Gallo « standard »
Dans cette partie III, comme dans les parties suivantes, les cartes de diversité présentées sont issues du travail de Jean Paul Chauveau sur l’ALBRAM (indiqué « carte JPC »), du travail de Régis Auffray (indiqué « carte RA ») et de celui de Serge Jouin (indiqué « carte SJ » (voir les références dans la partie Bibliographie). J’ai ajouté sur les cartes d’origine des compléments : une étoile bleue pour figurer la localisation approximative du Gallo « standard » (voir Partie II-A) ainsi que des indications de phonétique (en couleur) dans une graphie descriptive approximative assez proche de la graphie ABCD (voir Partie VI) pour permettre une lecture pour les personnes ignorant les graphies des linguistes utilisées initialement sur les cartes. Quelques informations supplémentaires sont ajoutées issues des recherches du groupe Aneit des années 1980 (voir partie I).
Petite piqure de rappel : Pour comparer le Gallo « standard » et le parler du Pays de Retz, nous affectons au principe de convergence une couleur verte. Si le trait est au contraire divergent, une couleur rouge sera associée. Mais si ce trait divergent entre parler du Pays de Retz et Gallo « standard » est retrouvé aussi dans un des parlers de nos correspondants et n’est donc pas exclusif au parler du Pays de Retz il sera ajouté une astérisque rouge*
Phonétique/prononciation
Plusieurs points de phonétique/prononciation caractérisent le Gallo « standard » par rapport au Français :
La richesse en diphtongues, en particulier issues d’un ancien « -al + consonne » devenu « -ao- » en Gallo et conservé « -au- » à l’écrit en Français, malgré une prononciation réduite en « ô » : exemples : « epaole, aotre, chaod, gaoche, jaone, saoter, haot … »
Cette diphtongue s’atténue d’Ouest en Est Gallo/Bas-Mainiot/Haut-Mainiot/Percheron/Beauceron et parler du Hurepoix (voir les atlas ALBRAM et ALIFO) mais est très bien conservée dans le parler du Pays de Retz en convergence avec le Gallo « standard ».
Evolution de « oy » latin en « ei » (forme réduite) en Gallo
Nous avons vu (Partie II-A, figure 3) que l’évolution de « oy » latin donnait « ei » en Gallo (prononcé é ou ë, éventuellement en « i »), mais aboutissait à « ui » en Français, Mainiot ou Angevin comme dans « aneit/anuit » (aujourd’hui), « neit/nuit » (nuit), ou « pei/pui » (puy, mont). Le parler du Pays de Retz est tout à fait convergent avec le domaine Gallo, dont le Gallo « standard » sur ce point avec « anét » « aujourd’hui », « nét » (nuit). Nous venons de voir (cf plus haut) qu’il en était de même pour « pé » (puy, mont). On peut dire la même chose pour « pis » (puis), « depis/dampis » (depuis) et (de)mézi (désormais).
Prononciation en « ë » emblématique (abusivement) du Gallo « standard ».
En particulier, considérée comme emblématique de l’infinitif et du participe passé des verbes du premier groupe : en Français « chanter » et « chanté », écrit respectivement en Gallo « standard » (écriture ABCD) : « chanter » et « chantë », et prononcé dans les 2 cas « chantë ».
Sur le point de l’infinitif, le parler du Pays de Retz diverge du Gallo « standard » car est prononcé « é ». Mais cette même prononciation est retrouvée* aussi dans le Goëlo.
En parler du Pays de Retz, il y a aussi divergence pour le participe passé qui est prononcé « ay ». Cependant, comme dans le Pays de Retz, une prononciation diphtonguée avec mouillure « ëy » est fréquemment retrouvée* dans le Pays de Coislin.
La palatalisation (mouillure) dans les groupes consonne + « l » : « pl », « bl », « cl », « fl » « gl ». Par exemple dans « place », « blanc, « clou », « fleur, « gland » …
La palatalisation est réalisée dans (presque) toute la moitié Sud-Ouest du domaine Gallo. Dans le Pays de Retz comme dans toute la Loire Atlantique et le Gallo « standard », la palatalisation est respectée*. L’écriture traditionnellement admise (depuis la graphie Aneit, 1984, voir Partie VI) est le doublement du « l », par exemple « bll », pour respecter la double prononciation : avec ou sans palatalisation.
Nous avons des cartes équivalentes avec les groupes « pl », « cl », « fl » « gl ».
Dans le Pays de Retz le parler converge avec le Gallo « standard » avec des prononciations palatalisées. Pour les exemples cités plus haut les prononciations sont ainsi (dans l’ordre) : « piace » (place), « bianc » (blanc), « quiou » (clou), « fieur » (fleur) et « guiand » (gland).
Mais il faut bien prendre conscience que cette convergence est due aux caractéristiques du parler du Pays de Retz mais aussi au choix (arbitraire) de la localisation du Gallo « standard ». Il y aurait eu divergence au contraire si le choix de la localisation de ce Gallo « standard » était tombé sur la zone en « bl » (par exemple celle de notre correspondante de Vieux Bourg-Quintin en Haut-Goëlo, voir sur la figure 3).
La diphtongue « ai »
Nous avons vu (Partie II-A) qu’un « é » (ou « i ») latin a pu rester en Gallo à la forme « é » ou « ë » (en particulier à l’intérieur d’un mot) ou évoluer en « éy », « ay » (et éventuellement à « a » en finale). Il s’agit d’un point important de divergence avec le Français qui a vu l’évolution se continuer en « oy », « oé », « oué » et finalement « oua » en Français actuel (toujours écrit « oi » sur la base de l’ancienne forme prononcée « oy »).
A l’intérieur d’un mot cette forme Gallo est souvent écrite « é » ou « è » : créssant (croissant), « drèt-e » (droit-e), « sèr » (soir), « tèt » (toit, étable), « frèd » (froid) …
En finale, compte tenu des évolutions possible en « éy », « ay » ou « a », on l’écrit souvent (depuis la graphie Aneit, 1984) « ai » : « mai » (moi), « tai » (toi), « sai » (soi mais aussi soif), « dai » (doigt), « quai » (quoi, quelque chose) …
Cette diphtongue « ay » éventuellement réduite en « é » ou « a » est très sujette à la francisation en « oué » par la transition « historique » (T5) (voir la Partie II-A).
La prononciation de la diphtongue « ay » en finale dans le Pays de Retz converge avec le Gallo « standard », par exemple : may (moi), say (soif), quay (quoi)
Un exemple emblématique en Pays de Retz :
« Yeux, ils sont terjou à tai à mai » = eux, ils sont toujours à toi à moi (à se défier, en compétition)
De la même façon, il y a convergence de prononciation entre le Pays de Retz à l’intérieur d’un mot avec la prononciation en « é » comme en Gallo « standard », par exemple : crére (croire), nér (noir), sér (soir)
Mais il faut bien prendre conscience que cette convergence est due aux caractéristiques du parler du Pays de Retz, mais aussi au choix (arbitraire) de la localisation du Gallo « standard ». Il y aurait eu divergence au contraire si le choix de la localisation de ce Gallo « standard » était tombé sur la zone en « a » (par exemple celle du Vendelais, voir sur la figure 4).
Métathèse : modification par permutation de consonnes.
Fréquent pour le passage de « consonne + r + voyelle » à « consonne + ë + r », par exemple « premier » devenant « përmier », « breton » devenant « bërton »…
Sur ce point, le parler du Pays de Retz converge avec le Gallo « standard », et comme d’ailleurs tous les parlers Gallo.
La terminaison de verbes en « -ir »
En Français, la prononciation du « r » (étymologique) disparait au XVIème siècle et réapparait au XVIIème siècle (Bourciez, 1978). En Gallo « standard », le « r » final n’est pas prononcé, et diverge ainsi avec le parler du Pays de Retz dans lequel il est prononcé dans (presque) tous les verbes : embonnir (améliorer), empllenir (emplir), nettir (nettoyer), alejir (alléger), vieuzir (vieillir), cotir (gicler). Cette différence peut être considérée comme le fruit de la transition historique (T5, voir Partie II-A). La prononciation du Pays de Retz est retrouvée* chez nos correspondants du Pays Nantais et également sporadiquement dans un certain nombre de parlers du Sud Gallo. Par contre, la prononciation du mot « queri » (chercher) ne comporte pas de « r prononcé » final dans le Pays de Retz comme chez les correspondants du Pays Nantais, en accord avec son étymologie : « va queri une chére » (va chercher une chaise).
Le balancement « o/ou »
En français, la prononciation « ou » peut être issue d’un ancien « o fermé entravé » ayant évolué en « ou » au XIIIème siècle (Bourciez, 1978). D’où, en Français, la contradiction entre la forme en « ou » de « tout » et celle en « o » de « totalité ». Il y a divergence sur ce point entre le parler du Pays de Retz et le Gallo « standard ». Le Gallo « standard » a choisi la forme évoluée en « ou », identique au Français et le parler du Pays de Retz utilise la forme archaïque en « o » : exemple « novelle (nouvelle), « roje » (rouge), « tot » (tout), « tertot » (tertout = tous au complet). La forme du parler du Pays de Retz en « o » est cependant sporadiquement retrouvée* en Haut-Goëlo (« ovri » = ouvrir ; « obédon » = ou = ou bien donc) et dans le Vendelais (« tot » = tout ; « tertot » = tous au complet, voir anecdote familiale de la Partie I) mais également sporadiquement et de façon plus dense dans un certain nombre de parlers du Sud Gallo (voir par exemple l’association « Galo tertot » à Petit-Mars (Pays Nantais), cf Partie II-A. Cette différence peut être considérée comme le fruit de la transition historique (T5, voir Partie II-A).
Sur tous ces points phonétiques, le parler du Pays de Retz est ainsi convergent avec le Gallo « standard ».
Vocabulaire
Dans les listes de vocabulaire qui suivent tous les mots sont communs au Gallo « standard » et au parler du Pays de Retz. Un mot surligné en vert dans cette partie Vocabulaire signifie qu’il est présent dans « L’imagier du Gallo » d’Anne-Marie Pelhate, Le Temps éditeur (2014), qui se situe dans le contexte du Gallo « standard » et pour lequel il peut être considéré comme la référence.
Les grands classiques
Derrière ce terme de « grands classiques », on peut regrouper un certain nombre de termes courants, inséparables (quelquefois arbitrairement) du concept de Gallo. On les reconnait bien par leur fréquence dans la bouche de ceux qui veulent s’affirmer Gallo. Ci-dessous, cette liste de mots emblématiques, effectivement présente en Pays de Retz à quelques nuances près :
- Ventier (peut-être)
- Mézé (désormais)
- Tertout (tous au complet)
- Anét (aujourd’hui)
- Amain (facilité)
- Davant, darière (devant, derrière)
- Terjou (toujours)
- Vère (oui, très affirmatif), peu fréquent dans le Pays de Retz, mais attesté.
- Nouna (Non, très négatif), divergent avec la variante « Nanin » pour le Pays de Retz et également retrouvée* dans Pays de Coislin, le Goëlo et le Pays Nantais.
- Sia (si, affirmation)
- D’assent (d’accord)
- Canté/caté (avec en accompagnement)
- O (avec, au moyen de) peu fréquent dans le Pays de Retz, mais attesté.
- Failli (chétif)
- Su (sur)
- Tant pire (tant pis)
- Bon de même ! (ça suffit !)
Et pour finir le mot : Ferzae (chouette effraie), triste nom dont s’était affublé le commando nocturne irresponsable qui dégradait les panneaux (bilingues français/breton) d’entrée de villes de la banlieue nantaise en 2019. Leur activité nocturne leur avait lamentablement inspiré le nom d’un bel oiseau de nuit.
Tous ces mots-clés (avec quelquefois quelque différence dans la prononciation) sont présents au Pays de Retz, montrant une évidente convergence avec le Gallo « standard ».
Le fonds lexical commun
Ci-dessous, en élargissant le registre, une liste de mots, bien spécifiques au Gallo, bien représentés dans les différentes variétés de parlers considérés comme Gallo, comme dans le parler du Pays de Retz.
Contrairement à l'ensemble de l'étude, ici dans l'image ci-dessous, c'est la couleur rouge qui ndique que ces mots sont présents sous cette forme comme référence du vocabulaire Gallo « standard » dans l’Imagier du Gallo d’A.M. Pelhate (édition An Amzer, 2014)
Dans cette liste de mots du fonds commun du vocabulaire, pour les traductions, je préfère orienter le lecteur sur les 3 dictionnaires que nous pouvons trouver en Gallo :
Patrik Deriano « Motier de pouchette-Dictionnaire de poche » G/F et F/G, éditions Label LN (2010).
Régis Auffray « Le Petit Matao » Dictionnaire G/F et F/G. Ed. Rue des Scribes (2007).
Herve ar Gall « Le petit Milot, le motier és mile mots » Dictionnaire Gallo//Breton/Français. Ed. Rue des Scribes (2022).
En conclusion partielle, pour le vocabulaire, on peut se rendre compte qu’il y a une évidence de convergence au niveau du vocabulaire entre le Gallo « standard » et le parler du Pays de Retz, comme précédemment souligné par la linguiste H. Walter (« Aventures et mésaventures des langues de France », éditions du Temps, 2008).
Mais un lecteur attentif des lexiques du parler du Pays de Retz repèrera vite quelques incontournables divergences (en général des mots proches du français en Gallo « standard » et un mot plus spécifique en parler du Pays de Retz, souvent dans le domaine de la nature et du monde de la ferme, des mots incontournables pour la vie en milieu rural. Juste, pour l’instant, quelques exemples :
« Grole » au lieu de cornihe (corneille, corbeau),
« bodet » au lieu de « viao » (pour veau),
« bode » au lieu de « jenisse » (pour génisse)
« jao » au lieu de « cô » (pour coq),
« oueille » au lieu de « berbi » (pour brebis)
« ameuille » au lieu de « peit » (pour pis de la vache)
« marnis » au lieu de « fien » (pour fumier) ….
Ces mots du Pays de Retz sont retrouvés* chez nos correspondants du Pays Nantais et du Pays de Coislin. Nous verrons dans la Partie IV-B, les conséquences de ces observations si elles se confirment (remplacement d’un mot spécifique localement par un mot Français).
c- Les expressions
Des expressions convergentes en Gallo « standard » et en parler du Pays de Retz (écriture empirique ABCD)
« Qui qu’tu dis ? » (que dis-tu ?); « gâter de l’iao » (uriner), « T’es-ti à ton amaen de même » (Es-tu à ton aise comme ça ?) ; « Il a ben de quai pour empienir le pertu » (il a assez de matière pour remplir le trou) ; « une afère ben gandilleuse » (une affaire très douteuse), « eyou qu’tu vas don ? » (où vas-tu donc ») ; « J’ai si tant couru que je sé ébacoré mézi » (j’ai tellement couru que maintenant je suis essouflé) ; « Tu sens point à bon » (tu ne sens pas bon) ; « j’ai gâté la seillée maogré mai » (j’ai renversé le contenu du seau malgré moi) ; « une biaotë de chaire » « une superbe chaise » ; « c’est son père tout pacrë » (il ressemble beaucoup à son père), « de l’aot côté de l’iao » (en Pays de Retz : « au Nord de la Loire » ; en Pays de Guérande : « au Sud de la Loire ») …