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Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)

Publication 8 - Le parler du Pays de Retz peut-il être considéré comme du gallo ? Thierry Magot - Partie III langue bretonne en Pays de Retz

Cette publication 8 présente l'influence de la langue bretonne sur le parler du Pays de Retz et sur sa toponymie.

 

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Avant propos de Karrikell

J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.

La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .

Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !

Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .

Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .

Lisez Thierry Magot  !

Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .

Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.

Hervé Brétuny, Blog Karrikell

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  1. Des traces possibles du breton en parler du Pays de Retz ?

 

Le Pays de Retz est le pays de Haute Bretagne le plus suspecté de n’avoir jamais eu aucun contact avec la langue Bretonne, et d’être ainsi moins breton que le Nord-Loire (voire même de n’avoir qu’une part fantasmée d’identité bretonne). Cette affirmation est basée sur sa situation excentrée, et est entretenue par des études non rigoureuses comme les études ethnographiques de P. Blanchet (voir Partie II-B).

 

d1- Du Breton dans le parler actuel du Pays de Retz ?

 

Nous avons évoqué dans la partie II-A le délicat problème de l’influence présumée du Breton sur le Gallo. Tous les mots qui y sont cités comme présentant des similitudes avec le Breton dans le Gallo « standard », sont aussi retrouvés dans le parler du Pays de Retz à l’exception des quelques évidences bretonnes comme « berlu », « greque » et digaré » qui ne sont pas diffusées loin de la limite linguistique actuelle). Et d’ailleurs même l’influence du Breton sur le Gallo, prouvée ou très fortement suspectée à partir de quelques mots, est de la même façon que pour d’autres parlers Gallo évidente pour celui du Pays de Retz :

 

  • « Pobran » équivalent Gallo du Breton « pao bran » (« patte de corbeau », pour la renoncule bouton d’or). Et ce terme Breton n’existe que dans les parlers Gallo les plus proches de la côte atlantique du Vannetais Gallo Sud, du Pays de Guérande/Pays de Coislin et du Pays de Retz (attesté dans l’atlas linguistique ALBRAM).
  • « Beghen, Bighen, Bughen » équivalent Gallo du Breton « Buzhugenn » (ver de terre, lombric), sous sa prononciation Vannetaise « buhugenn ». On voit d’ailleurs dans la carte qui suit, tirée de l’atlas ALBRAM, que sa prononciation en « bughen » est en continuité avec la forme vannetaise, et que cette forme n’existe pas ou de façon plus sporadique en Gallo du Nord (remplacée par des formes en « ver », mais la forme « beghen » était connue dans les parlers du Goëlo de mon enfance) ce qui serait cohérent avec son origine vannetaise. Grâce à la deuxième carte tirée de l’atlas ALF, on voit aussi que ce terme « Beghen » est absent du Mainiot, de l’Angevin et du Poitevin (et remplacé sous des formes « achée, lachet, èche), mais bien présent en Pays de Retz. Le mot s’arrête brusquement à la frontière séparant le Pays de Retz du Poitou : mot emblématique d’une grande vitalité au Pays de Retz où il est associé à une méthode de pêche dite « à la biguenée » (avec comme appât une pelote de lombrics), il est brusquement remplacé par le mot « achè » dès le passage dans la partie vendéenne du Marais Breton (à Beauvoir-sur-mer, d’après la carte de l’ALF ci-dessous, comme dans la carte de l’Atlas linguistique « Les parlers du Marais vendéen » de L.O. Svenson (1959). Voir Bibliographie de la partie Introduction.

Figure 5 : Pour « lombric », le mot « Beghen/Bighen/Bughen » ou « Achée » ?

G. Guillaume, analyse de l’ALBRAM

G. Guillaume, analyse de l’ALBRAM

G. Brun-Trigaud analyse de l’ALF

G. Brun-Trigaud analyse de l’ALF

Il pourrait peut-être en être de même pour d’autres mots, fortement soupçonnés d’une origine du Breton : « pacré », « canté », « margate », 3 mots emblématiques du Pays de Retz. Avec toujours un doute cependant sur la bretonnité de ces mots par leur présence sporadique dans d’autres langues d’Oïl de l’Ouest (voir Partie II-A).

  • « Pacré » équivalent Gallo du Breton « pakret » (pour « très ressemblant »). Par exemple « Li, oul est son pére tot pacray » (lui, c’est son père tout craché, très ressemblant).
  • « canté, caté » au sens de « avec (accompagnement) » équivalent Gallo possible du Breton « gant » (mais le vieux Breton « cant » a semble-t-il été précédé d’un Gaulois tardif « kante »). Mais « caté » est bien un mot du Pays de Retz (à tel point d’être considéré comme le mot spécifique du Pays de Retz par opposition au Gallo et au Poitevin, dans l’étude contestée de Pierre Gauthier, voir Partie II-B)
  • « margate » équivalent Gallo du Breton « morgad » (= lièvre de mer, dénomination de la seiche), connu en Haute Bretagne sur les côtes de la Manche (du Goëlo au Penthièvre côtier, comme à Fréhel, d’après A. Bidon) et dans le Pays de Retz où le mot, sous sa forme de Français régional, a même évincé le mot Français à cause de sa consommation très appréciée localement («Ah, la margate à la crème ! ») et de la très populaire « Fête de la Margate » de Pornic.

Alors, Breton ou bien Gaulois maintenu en Gallo et en Breton ?

Pour décevant que puisse être ce doute, cette situation doit néanmoins nous permettre de réfuter le fantasme du « parler du Pays de Retz moins celtique que les autres parlers Gallo » et nous montrer que le rejet de l’identité bretonne du parler du Pays de Retz ne peut pas passer par l’absence d’influence du Breton qui serait au contraire évidente dans les autres formes du Gallo.

Sur le point de la place du Breton dans le vocabulaire, il y a donc une belle convergence entre le parler du Pays de Retz et le Gallo « standard ».

 

Un petit rappel bibliographique :

Claude Capelle « Le Gallo et les langues celtiques : recueil et commentaires des études de E. Ernault, F. Luzel, PY Sébillot, J. Loth, T. Jeusset, F. Tymen, A. Even, W von Wartburg, L. Fleuriot et de l’ALBRAM », Etudes et Recherches Gallèses (1988).
 

 

d2- Du Breton dans la toponymie du Pays de Retz ?

(Toponymes issus, parmi beaucoup d’autres, de « Noms de lieux bretons du Pays Nantais », Bertrand Luçon, éditions Yoran Embanner, 2017)

Il existe un certain nombre de toponymes d’envergure officielle (comme les noms de communes, par exemple) bien connus pour leur origine bretonne comme Paimboeuf (Breton « Pennbo » = cap du bovin), ou Mindin (« Maen-din » = la pierre du Château), ancienne motte castrale de Saint-Brévin. Vis-à-vis de la densité de ces toponymes, le Pays de Retz se situe au même niveau que la plus grande partie de la Haute Bretagne, en particulier du Nord et de l’Est du domaine. Mais il est clair que leur présence ne révèle que l’utilisation du Breton par des élites locales lors de leur création. La présence de micro-toponymes d’origine bretonne est plus significative de l’utilisation du Breton par le petit peuple laborieux du Pays de Retz. La micro-toponymie révèle ainsi une présence ancienne du Breton dans certains cas, tout particulièrement :

. Nom de village/hameau Coëtargand à Saint-Père en Retz

Coëtargand littéralement « le bois d’argent », c’est-à-dire le bois de bouleaux, la boulaie. Formé sur le mot breton koet » (bois) et « argant » (argent). Pour ces 2 mots, c’est la forme primitive qui est employée (« koet » et non « koad » ; « argand » et non « arc’hant »). Ces formes archaïques sont actuellement les formes vannetaises (voir sur l’Atlas Linguistique de Basse-Bretagne : carte 019 pour « argent » et carte 396 pour « bois »). C’est donc sans doute le Breton Vannetais (ou simplement la forme ancienne, maintenue actuellement en Vannetais) qui a été utilisé en Pays de Retz lors de la création de ce toponyme. Situation proche de ce que nous avons vu pour le mot « bughen » (lombric, voir plus haut) parvenu certainement avec sa prononciation Vannetaise. La présence de ce micro-toponyme sur la carte dite de Cassini (du XVIIIème siècle) montre l’ancienneté du toponyme et non sa relative modernité lors de transcriptions artificielles de complaisance de périodes celtophiles.

 Figure 6 : Le Breton en toponymie : Coëtargand (St Père en Retz)

Figure 6 : Le Breton en toponymie : Coëtargand (St Père en Retz)

  • Noms de saline Talvern à Bourgneuf en Retz

A Bourgneuf en Retz, en bordure du Marais Breton existe une saline nommée sur les cadastres « Talvern », ce qui signifie en Breton « le bout du marais », de « tal » (front, bout) et « gwern » (marais). Ce nom est identique à plus d’une dizaine d’anciennes salines des marais salants du Morbihan brittophone autrefois salicole. Cette situation suggère plus que fortement l’utilisation ancienne du Breton dans les activités salicoles du Pays de Retz.

Sur le point de la place du Breton dans la toponymie, le parler du Pays de Retz converge donc vis à vis du Gallo « standard ».

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J
Le mot qui apparaît au point 467 (Chéméré) de la carte 1371 de l'ALF est ver et non beghen.<br /> <br /> Pacré est du français de l'ouest attesté à Alençon et à Vendôme et passé en breton<br /> https://lecteur-few.atilf.fr/index.php/page/lire/e/186811<br /> <br /> Canté est attesté en Normandie<br /> <br /> Margate "seiche" est un bretonnisme voyageur rependu sur tout le littoral de langue d'oïl, du Pas-de-Calais à la Gironde
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K
Voici la réponse de Thierry Magot Réponse à Jeannotin sur les commentaires concernant les publications 5 et 8<br /> La question posée dans nos publications est « Le parler du Pays de Retz peut-il être considéré comme du Gallo ? ». Les publications 5 et 8 s’intéressent à la place éventuelle du Breton respectivement dans le Gallo et dans le parler du Pays de Retz. En effet depuis des décennies, les linguistes et militants bretons défendent, à tort ou à raison, l’idée de relations nettes entre le Breton et les parlers Gallo. Notre propos est de déterminer si cette influence présumée est, ou non, aussi valable pour le parler du Pays de Retz. Nous nous sommes donc posé 2 questions sur ce thème :<br /> 1) Quelles sont les relations classiquement reconnues (mais éventuellement fantasmées) entre Gallo « standard » et Breton ? (publication 5)<br /> 2) Ces relations sont-elles existantes également pour le parler du Pays de Retz ? (publication 8)<br /> Jeannotin apporte des informations étymologiques sur 6 mots parmi les nombreux mots cités (pour contredire la bretonnité du mot Gallo ?) : « pacré », « beghen », « canté », « greq », « donger » et « margate ».<br /> • Pour les mots « pacré » et « canté » il n’y a aucune contradiction avec le texte dans la mesure où il y apparait clairement à plusieurs reprises que ces mots existent dans le même sens sur l’ensemble des langues d’Oïl de l’Ouest. <br /> • Le mot « donger », d’origine certainement latine, existe dans toutes les langues d’Oïl, dont le Français et le Latin, mais en Breton et en Gallo la convergence est sémantique avec un sens de « dégout » dans tous les parlers et non de « domination, pouvoir, difficulté et danger ») comme dans toutes les autres langues d’Oïl. <br /> • Le mot « greq » est un peu dans le même registre dans la mesure où on ne le retrouve dans le sens de « cafetière » (et non dans le sens originel de « chausse ») qu’en Breton et en Gallo (à dire vrai seulement dans des parlers Gallo proches de la frontière avec le Breton) mais pas dans les autres langues d’Oïl de l’Ouest (et par contre également en Créole Réunionnais !).<br /> • Pour le mot « margate », nous sommes d’accord avec Jeannotin pour l’origine Bretonne irréfutable de ce mot (Breton « morgad ») qui a été de façon évidente transmis sous cette même forme aux parlers côtiers de langue d’Oïl.<br /> • Le mot « beghen » est reconnu irréfutablement comme d’origine bretonne (« buhugenn » en Breton vannetais). S’il n’apparait pas sur l’ALF pour le point d’étude en Pays de Retz (Chéméré, où le mot serait seulement le mot Français « ver »), il est incontestable pourtant que c’est le mot « beghen/bighen » qui est utilisé dans tout le Pays de Retz, au point d’avoir donné ce nom à la pêche emblématique locale dite à la « Biguenaille » utilisant des lombrics comme appât. Dès la sortie au Sud du Pays de Retz, dans la partie Vendéenne du Marais Breton, par contre, le lombric est nommé « achet » et le terme de Biguenaille est au contraire réservé à un plat emblématique de la cuisine Vendéenne (crêpe de froment au lard).<br /> <br /> Il est possible de voir une réponse plus détaillée ici <br /> http://karrikell.over-blog.com/2023/03/reponse-a-jeannotin-publication-8-thierry-magot-le-parler-du-pays-de-retz-peut-il-etre-considere-comme-du-gallo.html<br /> <br /> er là :<br /> http://karrikell.over-blog.com/2023/03/reponse-a-jeannotin-publication-cinq-et-huit-thierry-magot-le-parler-du-pays-de-retz-peut-il-etre-considere-comme-du-gallo.html<br />  <br />
H
Merci pour vos commentaires, je transmets à Thierry magot<br /> A galon, Amicalement<br /> Hervé, karrikell