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Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)

Publication 12 - Le parler du Pays de Retz peut-il être considéré comme du gallo ? Thierry Magot - Partie IV- cas 1 (divergences)

Cette publication 12 présentera le cas1 des divergences,   c'est à dire des points de divergence avec le Gallo standard mais présents sporadiquement dans les différents parlers du domaine Gallo.

 

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Avant propos de Karrikell

J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.

La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .

Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !

Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .

Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .

Lisez Thierry Magot  !

Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .

Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.

Hervé Brétuny, Blog Karrikell

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Voyons donc à partir de ce petit texte les principaux points « reprochés » au parler du Pays de Retz pour sa non-conformité au « Gallo standard ».

Le sigle

représente sur les cartes la localisation approximative du Gallo « standard » (voir partie II-A) retenu par l’Institut du Gallo (auquel est généralement appliquée la graphie dite « ABCD », voir Partie VI).

Analyse des divergences

Pour certaines de ces divergences, nous avions trouvé des équivalences parmi les quelques précieux correspondants des enquêtes Aneit, issus de parlers très inégalement répartis dans le domaine Gallo (5-6 correspondants, secondés par quelques rares sources autour de ces mêmes parlers, voir figure 7 de la Partie III). Il faut bien se rendre compte que la quasi-totalité de ces correspondants des années 80 ont malheureusement disparu. Malgré le faible nombre de ces études, compte tenu du fait que le Gallo comme toute langue est le fruit de multiple transitions, certaines questions ont pu émerger au sujet de ces divergences :

1- Quand une divergence existait entre Gallo « standard » et parler du Pays de Retz mais que ce point de divergence était aussi retrouvé dans un autre parler particulier de nos quelques correspondants, la cause de cette divergence était-elle due au fait que le point contesté était seulement le fruit d’un mauvais choix du Gallo « standard » ? Et dans ce cas :

  • dû au mauvais choix historique de ce Gallo « standard » (transition nommée T5 dans la Partie II-A), fruit des évolutions individuelles et souvent aléatoires des parlers Gallo dans le temps (dans ce cas ce point de divergence serait présent sporadiquement dans les différents parlers du domaine Gallo) (cas 1).

  • dû au mauvais choix géographique de ce Gallo « standard », suggérant qu’il existerait différents parlers-dialectes du Gallo non pris en compte dans ce choix (cas 2).

En particulier, dans le cas où ce trait dissident retrouvé ne le serait que dans des parlers Sud (le Pays Nantais ou le Pays de Coislin, par exemple pour nos correspondants), l’éventuel dialecte ne serait-il pas caractéristique de la Loire-Atlantique (transition Nord-Sud, nommée T3 dans la Partie II-A) (cas 3). Ce trait dissident serait éventuellement retrouvé en Poitevin, ou même dans les parlers Romans plus méridionaux (transition Nord-Sud T3, mais poussée à l’extrême dans le domaine Roman),

Quand le point de divergence n’était retrouvé chez aucun parler particulier de nos quelques correspondants, cette divergence serait-elle une véritable spécificité du parler du Pays de Retz exclusivement (cas 4), et/ou s’infiltrant dans cette transition T3 au parlers Poitevins et même poussée à l’extrême dans le domaine Roman) ?

2. Y aurait-t-il même, si on cherchait au sein de la diversité du parler du Pays de Retz lui-même, des divergences qui ne seraient valables que pour certaines parties du parler du Pays de Retz (cas 5), et seraient alors peut-être propres au Poitevin ? Et pourquoi pas éventuellement plus au Sud, toujours fruit de cette transition T3 ?

Comme annoncé dans la partie précédente, il est donc nécessaire d’affiner le maillage de l’étude. Ceci se fera en se tournant vers les atlas linguistiques et les analyses fines autour de ces atlas ainsi que d’autres enquêtes réalisées sur l’ensemble du domaine Gallo, déjà publiées dans d’excellentes conditions depuis les années 80 (voir la partie Bibliographie).

Commençons donc à analyser et classer les principales divergences entre Gallo « standard » et parler du Pays de Retz en fonction des critères que nous venons de citer.

Les points présents dans le parler du Pays de Retz absents en Gallo « standard » et pourtant retrouvés dans certains parlers Gallo :

  • présents sporadiquement dans une grande partie du domaine Gallo (cas 1)

  • présents dans de grandes zones du domaine Gallo (cas 2)

  • présents seulement dans les parlers de Loire Atlantique (cas 3)

Les points présents en parler du Pays de Retz, absents en Gallo « standard » ainsi que dans les différents parlers Nord-Loire :

  • présents dans la totalité du Pays de Retz (cas 4)

  • présents seulement en Grand-Sud du Pays de Retz (cas 5)

Comme précédemment nous avons extrait les cartes des travaux de synthèse de Serge Jouin (à partir des enquêtes Amis du Parler Gallo, « cartes SJ »), de Jean-Paul Chauveau (à partir de l’ALBRAM, « cartes JPC ») et de Régis Auffray (synthèse d’un ensemble de sources lexicales et résultats d’enquêtes, « cartes RA »). Ces cartes sont également complétées par les analyses des témoignages de correspondants de l’association Aneit (voir Partie III) et issues de l’Académie du Gallo (voir Bibliographie). Les exemples sont en graphie patoisante et les informations phonétiques utilisent les codes du Français.


 

  1. Les traits du parler du Pays de Retz absents du Gallo « standard » mais présents sporadiquement dans une grande partie du domaine Gallo (cas 1)

 

1) « -ent » terminaison de la 3ème personne du singulier du Présent

 

En Français l’écriture en « -ent » est un reste de l’ancienne forme latine « -ant » (par exemple « cantant » =ils chantent), prononcée en « an ». Cette terminaison est devenue muette en Français et l’est aussi en Gallo « standard » qui l’écrit aussi « -ent » (par exemple dans la graphie ABCD officielle de l’Institut du Gallo) par mimétisme avec le Français. Mais une écriture en « ent » s’avère cependant intéressante compte tenu de cette prononciation sporadique en « an ». Prononcé « an » ou « on » en parler du Pays de Retz, on retrouve cette prononciation « an » (comme en Vendelais) ou « on » (comme en Haut Goëlo) sporadiquement « aux 4 coins » du domaine Gallo des marges, comme d’ailleurs en Manceau ou en Poitevin. Cette prononciation est un reste historique de l’ancienne prononciation. Sur ce point la diversité des parlers Gallo est le fruit de la Transition historique T5 Partie II-A)

Exemple : « i chantan/chanton tertou » (= ils chantent tous).

Figure 1 : Terminaison de la 3ème personne du pluriel du Présent (carte RA)

Figure 1 : Terminaison de la 3ème personne du pluriel du Présent (carte RA)

2) « do/dou » article indéfini et partitif (= du Français)

Issu de l’évolution de « del » à « deu » puis à « du » en Français (Bourciez 1978). Ailleurs, l’évolution a d’abord donné « deu » puis « dau » conservé comme tel en Poitevin, en Limousin ou « dou » en Provençal, réduit d’abord en « dou, do » en Gallo (et en Angevin). Cette forme ne reste plus que sporadiquement en Gallo, en particulier en Pays de Retz, et est francisée en « du » dans la plupart des parlers Gallo comme en Gallo « standard ».

Cette prononciation (« do, dou ») est un reste historique de l’ancienne prononciation (Transition historique T5 Partie II-A)

Exemple « Y a-ti dou pain su la tabl ? » (Y a-t-il du pain sur la table ?) ; « Les gars dou péyis » (les gars du Pays) ; « I revient do guernier » (il revient du grenier)

Figure 2 : Article indéfini et partitif (carte RA, complétée pour le Haut-Goëlo Cécile Le Jean)

Figure 2 : Article indéfini et partitif (carte RA, complétée pour le Haut-Goëlo Cécile Le Jean)

3) « -é » terminaison du participe passé des verbes du premier groupe

Issu de l’évolution de « -atu » > « a allongé » > « aè » > « ay » puis « é » en Français (Bourciez 1978). Mais cette évolution s’arrête en « ay », « éy », « ëy » en Gallo, stade sporadiquement retrouvé dans le domaine Gallo ou il est maintenant essentiellement présent sous la forme « é » et « ë », cette dernière forme retenue comme emblématique par le Gallo « standard ».

La prononciation diphtonguée, avec mouillure finale (« éy, ay, ëy ») est un reste historique de l’ancienne prononciation (fruit de la Transition historique T5 Partie II-A).

Prononcé « éy » à Cesson-Saint Brieuc

« ay » en Pays de Retz, à Cancale

« ëy » en Pays de Coislin (Herbignac, Crossac, Besné, Campbon, Blain)

Valable aussi pour les toponymes en « –é » en Français (exemple « Chauvay » = Chauvé), les noms communs en « –é » (en Français), par exemple « blé, fossé, clé, pré, beauté, bonté, clarté … ». Diphtongué en général seulement en finale absolue. Exemple « du biay » mais « du bié nér » (du blé, du blé noir)

Un dicton (L. Brétéché de Prinquiau) : « T’é pas de Bénëy, mais t’es pourtant ben bézëy ! » (= tu n’es pas de Besné, mais tu as été pourtant bien attrapé)

 

Commentaire : Très présent en Loire Atlantique et seulement marginal dans le Nord. Une écriture affichant 2 voyelles contiguës devrait être envisagée pour pouvoir représenter les prononciations diphtonguées.

Figure 3 : Terminaison de participe passé masculin des verbes du 1er groupe, carte JPC complétée pour Cesson St-Brieuc (document Serge Jouin), Cancale (Amand Dagnet), Blain (Académie du Gallo)

Figure 3 : Terminaison de participe passé masculin des verbes du 1er groupe, carte JPC complétée pour Cesson St-Brieuc (document Serge Jouin), Cancale (Amand Dagnet), Blain (Académie du Gallo)

Peuvent s’ajouter au cas 1 deux points non cartographiés, car encore plus sporadiquement retrouvés (déjà cités rapidement dans le paragraphe « prononciation » de la Partie III). Là encore, fruits de la Transition historique T5 (Partie II-A) :

  1. La terminaison de verbes en « -ir » (voir Partie III) non cartographiable

En Français, la prononciation du « r » (étymologique) disparait au XVIème siècle et réapparait au XVIIème siècle (Bourciez, 1978). En Gallo « standard », le « r » final n’est pas prononcé et cette prononciation est considérée comme emblématique. Alors qu’elle l’est systématiquement en Pays de Retz. La prononciation du Pays de Retz est retrouvée sporadiquement dans le Sud du domaine Gallo (approximativement la Loire-Atlantique). Exemple : embonnir, nettir, vieuzir, alejir, mais aussi finir, partir …. Par contre, la prononciation du mot « queri » (chercher) ne comporte pas de « r prononcé » final dans le Pays de Retz comme dans la quasi-totalité du domaine Gallo, pour des raisons étymologiques.

Une graphie affichant un « r » final devrait être envisagée pour pouvoir représenter les prononciations à « r » final sonore

5. Le balancement « o/ou » (voir Partie III) non cartographiable

En français, la prononciation « ou » est fréquemment issue d’un ancien « o fermé entravé » ayant évolué en « ou » au XIIIème siècle (Bourciez, 1978). Le Gallo «standard » a choisi la forme évoluée en « ou », identique au Français et le parler du Pays de Retz utilise la forme archaïque en « o » : exemple « novelle (nouvelle), « roje » (rouge), « tot » (tout), « tertot » (tertout = tous au complet). La forme du parler du Pays de Retz en « o » est cependant sporadiquement retrouvée dans tout le domaine Gallo « jornée » (journée), « torner » (tourner) en Coglais, « ovrir » (ouvrir) en Haut-Goëlo, mais de façon plus dense dans un certain nombre de parlers du Sud Gallo (voir la partie III).

Une écriture souple (par un jeu d’accent ?) devrait être envisagée pour représenter les 2 formes de prononciation en « o » et en « ou ».

Conclusion du cas 1 :

La localisation sporadique des 5 points du cas 1 montre que le rejet du parler du Pays de Retz est dû au choix historique de la variété retenue comme Gallo « standard » suggérant que les formes archaïques sur ces points de divergence sporadiquement retrouvées dans l’ensemble du domaine Gallo ne sont pas pris en compte dans ce choix. Le rejet sur ces points ne concerne pas en réalité seulement le parler du Pays de Retz

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