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Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)

Publication 15 - Le parler du Pays de Retz peut-il être considéré comme du gallo ? Thierry Magot - Partie IV- cas 3 vocabulaire

Cette publication 15 est le début de l'analyse des divergences de vocabulaire entre le parler de Retz et  le Gallo standard / Autres parlers du Pays Nantais .

 

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Avant propos de Karrikell

J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.

La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .

Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !

Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .

Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .

Lisez Thierry Magot  !

Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .

Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.

Hervé Brétuny, Blog Karrikell

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4) Le vocabulaire

Nous avons vu dans la Partie III que dans le domaine du vocabulaire les convergences entre le parler du Pays de Retz et le Gallo « standard » étaient très nombreuses. Cette convergence pouvait d’ailleurs être supposée à priori comme des convergences de vocabulaire classiques entre les langues d’Oïl de l’Ouest, c’est-à-dire dans le contexte de la transition T2 Est-Ouest (Partie II-A). Mais nous avions entrevu également certaines divergences lexicales entre Gallo « standard » et parler du Pays de Retz, peu nombreuses mais certaines, au point de dérouter un lecteur habitué au Gallo « standard » dans sa lecture de notre petit texte du début qui contient volontairement plusieurs mots de cette rubrique.

Une question pourrait alors se poser : Y aurait-il dans le domaine du vocabulaire des dialectes en Gallo ? et donc, peut-être, un dialecte pour le Pays Nantais au sens large (la plus grande partie de la Loire-Atlantique), voire pour le Pays de Retz. Avec une réponse éventuellement positive comme pour toutes les langues, situation bien connue en Breton, par exemple, comme une simple lecture rapide des 600 cartes de l’ALBB nous le montrerait (sbahuaud.free.fr/ALBB/) pour des dialectes correpondant à des aires de grande surface, comme le Vannetais, ou de beaucoup plus petite surface comme celui du Goëlo brittophone. L’exemple du Breton nous faisant d’ailleurs prendre conscience que le concept de dialecte est une notion souple sans frontière bien marquée. Nous nous sommes en quelque sorte déjà posé cette question dans le domaine phonétique et grammatical dans les 3 premiers points de ce Cas 3 consacrés à la Loire Atlantique et même dans les points du cas 2 consacrés aux divergences par zones ou par aires.

Les représentants du Gallo « officiel » (véhiculé par les tenants du Gallo « standard ») au sein de l’Institut du Galo défendent de façon forcenée l’idée d’une pleine unité dans le domaine Gallo autour de ce Gallo « standard », comme dans l’interview de Jérome Bouthier, coordinateur puis directeur de cet Institut, donnée en mars 2018 (1 an après sa fondation par la Région Bretagne) à « Bali Breizh », émission en Breton sur FR3 Bretagne. https://www.youtube.com/watch?v=2iNxe4y4Hlc :

A la question « Y a-t-il des dialectes en Gallo ? », la réponse a été claire : « La langue est plutôt unifiée ». A celle : « Le Gallo parlé autour de Rennes est-il plus ou moins le même que celui parlé autour de Nantes ? ». La réponse : « Tout le monde peut se comprendre. Après, il y a une accentuation, des mots liés au territoire. Mais dans l’ensemble les règlent ne diffèrent pas. Les règles sont bien particulières au Gallo. Comme pour le Breton finalement, c’est possible de comprendre tous les dialectes ».

Si une telle réponse basée sur l’intercompréhension entre locuteurs est suffisante pour définir des langues, elle ne l’est pas pour des éventuels dialectes. Il nous faut donc nous poser la question de façon un peu plus sérieuse. L’étude dans les cas 2 et 3 des divergences entre parler du Pays de Retz et Gallo « standard », c’est-à-dire l’observation de l’existence d’aires distinctes dans le domaine Gallo concernant des points phonétiques et grammaticaux nous permet donc de poser la question de l’existence de dialectes dans le domaine lexical. Alors allons-y !

 

  1. A la recherche d’aires dialectales dans le lexique du domaine Gallo.

Le Pays de Retz, le Coglais, le Vendelais, le Goëlo, le Pays de Loudéac, celui de Questembert et celui de Guérande étant à l’évidence des Pays de Marche, cela n’aurait rien de surprenant qu’il s’en détache des parlers particuliers au niveau lexical qui pourrait laisser supposer l’existence de dialectes originaux dans une quelconque partie du domaine Gallo. Dans la première partie du renouveau Gallo (années 70-80), les études sur la diversité du vocabulaire Gallo ont été très rares et considérées comme parents-pauvres (à l’exception des relations lexicales entre Breton et Gallo). La recherche a été plus orientée vers les aspects phonétiques comme avec l’ALBRAM, par exemple, qui nous a fourni la plus grande partie de la matière phonétique présentée dans les cartes précédentes.

A ma connaissance, dans les années 70, seul le travail de G. Guillaume sur l’ALBRAM (« Recherche d’aires dialectales en Haute-Bretagne, dans le Maine et en Anjou », 1973) abordé le sujet d’aires dialectales. Initialement sur l’existence d’aires distinctes entre Gallo, d’une part, et Maine-Anjou, d’autre part (comme vu sur la figure 3 de la Partie II-A) pour le mot « aneit » (aujourd’hui). Cette étude a également montré son intérêt sur l’influence du Breton sur la langue Romane dans l’aire dialectale Gallo, avec la carte du mot « lombric, ver de terre » en Gallo sous la forme « bughen/achée » (Figure 5 de la Partie III). Mais cette étude a pu aussi montrer pour la première fois l’existence d’une aire dialectale en Gallo dans la zone de marche Gallo-Breton (Goëlo et Pays de Loudéac) pour le mot « ruzè » (au lieu de « russè » pour ruisseau dans le reste du domaine Gallo).

En 1981 un travail original pour l’époque a été réalisé par Serge Jouin à partir des premières enquêtes des Amis du Parler Gallo-Aneit sur la diversité dans le domaine Gallo qui a abouti à une communication à un colloque (« Communauté et diversité en Pays Gallo », 1981), suivi par un article auquel j’ai participé, tant au niveau du lancement et de l’analyse des enquêtes qu’au niveau de la rédaction de l’article en 1983 (https://www.persee.fr/doc/annor_0570-1600_1983_hos_15_1_3902). Ce travail était essentiellement consacré à la diversité phonétique, mais a pu montrer de façon indirecte l’existence d’aires lexicales spécifiques dans cette même zone de marche linguistique Gallo-Breton.

Ainsi, les zones limitrophes du Breton (Goëlo Gallo et Pays de Loudéac, passés depuis des siècles au Gallo, mais aussi plus au Sud, le Pays de Questembert, ayant abandonné beaucoup plus récemment le Breton), expriment des aires lexicales à tendance dialectale. Un élément important pour ces aires est la relation avec l’aire du Breton qui leur est contigüe (du Gallo vers le Breton), opposée à celles (Breton vers Gallo) que nous avons étudiées en Partie II-A. Ces parlers Gallo montrent des diversités dialectales significatives au niveau lexical. Comme vu sur ces cartes consacrées au vocabulaire (de droite à gauche et de haut en bas) les mots « oiseau » (forme majoritaire « oézè, oézèo, oéziao », forme marginale et vraisemblablement romane « pichon » Sud-Morbihan Gallo, partagée d’ailleurs avec le Breton Vannetais ALBB carte 191), « épaule » (forme majoritaire« épaole , forme marginale « épaone » en Goëlo Gallo-Pays de Loudéac), « soleil » (forme majoritaire en « l » : « soulay, soulè, soula », forme marginale en « r » : « sourè, souray ») et « armoire » (forme majoritaire de type « armoère », forme marginale manifestement romane « presse » en Goëlo Gallo-Pays de Loudéac, Penthièvre, partagée d’ailleurs avec le Breton du Trégor-Goëlo ALBB carte 541).

Figure 5 : recherche d’aires dialectales dans le domaine Gallo à la limite du Breton (S. Jouin « Communauté et diversité en Pays Gallo »). De gauche à droite et de haut en bas : oiseau, épaule, soleil, armoire.
Figure 5 : recherche d’aires dialectales dans le domaine Gallo à la limite du Breton (S. Jouin « Communauté et diversité en Pays Gallo »). De gauche à droite et de haut en bas : oiseau, épaule, soleil, armoire.
Figure 5 : recherche d’aires dialectales dans le domaine Gallo à la limite du Breton (S. Jouin « Communauté et diversité en Pays Gallo »). De gauche à droite et de haut en bas : oiseau, épaule, soleil, armoire.
Figure 5 : recherche d’aires dialectales dans le domaine Gallo à la limite du Breton (S. Jouin « Communauté et diversité en Pays Gallo »). De gauche à droite et de haut en bas : oiseau, épaule, soleil, armoire.

Figure 5 : recherche d’aires dialectales dans le domaine Gallo à la limite du Breton (S. Jouin « Communauté et diversité en Pays Gallo »). De gauche à droite et de haut en bas : oiseau, épaule, soleil, armoire.

Ces particularités observées dans ce travail pour l’Ouest du domaine Gallo, complétées par mes modestes souvenirs familiaux et par des lexiques du Goëlo (H. ar Gall, « Le petit Milot », 2022), du Haut Goëlo (C. Le Jean, pour le Pays de Quintin) et du Pays de Loudéac (C. Bourel, « Le Pays de Mur-Loudéac », 1976) permettent de supposer des tendances dialectales autour du vocabulaire dans l’Ouest. Par exemple pour le Goëlo (voire le Pays de Loudéac), en plus des mots « épaone », « sourè », « presse » et « ruzè », des spécificités en « pur » (au lieu du plus classique « pu », pour puits), , « vortier » (au lieu de « ventier », pour peut-être), « moules » (au lieu des plus classiques « moures, mournes » pour mûres), « briques » (au lieu de « braies » pour « pantalon », retrouvé aussi en Breton en Trégor et Vannetais, ALBB carte 39), souvenirs de mon enfance (« Fais attention à ne pas érusser (érafler) tes « briques » ! »), « catouillou » (au lieu de « chatouillou », pour chatouilleux, souvenirs encore :

« T’es-ti catouillou, mon gars ? »). Il en est de même d’autres mots de mon enfance : « guenoche » (terme enfantin pour désigner une vache) et « beqhet » (pour biscuit, terme qui me semble très lié à l’étymologie qu’on peut lui envisager « bé=bis » et « qheit=cuit »), 2 mots que je ne retrouve pas dans mes dictionnaires Gallo. Mais s’agit-il de « tendances dialectales dans le lexique » ou de véritables dialectes concernant le lexique, mais tout à la fois la phonétique et surtout la grammaire (qui ne parait pas se différencier notablement de celle du Gallo « standard » ) ?

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