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Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)

Publication 17 - Le parler du Pays de Retz peut-il être considéré comme du gallo ? Thierry Magot - Partie IV- cas 3 vocabulaire suite et conclusion cas3

Cette publication 17 présentera la suite du cas 3 , divergence de vocabulaire ainsi que la conclusion du cas 3.

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Avant propos de Karrikell

J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.

La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .

Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !

Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .

Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .

Lisez Thierry Magot  !

Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .

Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.

Hervé Brétuny, Blog Karrikell

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Nous allons approfondir ci-dessous cette dimension lexicale méridionale sur 2 exemples très parlants, les doublons (Gallo « standard » / parlers du Pays de Retz et de Loire Atlantique) : « Berbi »/« Oueille » et « Cô »/« Jao ».

  1. Le doublon « Berbi » Gallo « standard » / « Oueille » Gallo du Pays de Retz et de Loire Atlantique

Quelques informations étymologiques (d’après « Dictionnaire étymologique de la langue française » O. Bloch et W. von Warburg » 1975) :

Les mots de « brebis/berbis » (issu de « berbicem », initialement pour bélier) et « ouaille/oeille » (issu de « ovicula », diminutif de ovis pour mouton) ont été utilisés très tôt en Français (comme le montre l’expression Française « Le pasteur et ses ouailles » = le berger et ses brebis, pour parler du Prêtre et de ses fidèles). Puis la racine « brebis » s’est essentiellement développée dans la partie septentrionale de la France, alors que « ouaille » est restée dominante dans le centre, l’Ouest et le Sud-Ouest.

  • Ainsi, la version « berbi » s’est installée dans le Nord du domaine Gallo avec la transition T2 Est-Ouest (Partie II-A)

  • Ainsi, le mot « oueille » a vu son aire d’expansion s’exprimer avec la transition T3 Nord-Sud (Partie II-A) du Sud du domaine Gallo (Loire Atlantique, carte ALF Figure 7) à travers les langues Romanes d’Oïl (Poitevin et Saintongeais) et d’Oc (Limousin, Gascon) jusqu’aux Pyrénées. Et si on s’intéresse à son expansion au-delà des Pyrénées (cf ma carte personnelle baucoup moins belle ! en Figure 7) on la voit s’exprimer dans toutes les langues Romanes du Sud de l’Europe : Espagnol, Catalan et Portugais (en conservant son « V » étymologique).

Figure 7 : Localisation des formes en « brebis/berbis » et en « oueille » pour le Français brebis
Figure 7 : Localisation des formes en « brebis/berbis » et en « oueille » pour le Français brebis

Figure 7 : Localisation des formes en « brebis/berbis » et en « oueille » pour le Français brebis

carte du haut : Racines « brebis » et « ouaille » dans l’ALF (Atlas linguistique de la France)

carte du bas : Répartition des racines « brebis » et « oelhe » dans les langues Romanes d’Europe du Sud

2. Le doublon « Cô » (gallo « standard »/ « jao » (Gallo du Pays de Retz et de Loire Atlantique)

Quelques informations étymologiques (d’après « Dictionnaire étymologique de la langue française » O. Bloch et W. von Warburg » 1975) :

En Français, le mot « coq » est issu de l’imitation du cri du coq « Cocorico » (en Allemand ce serait, semble-t-il, « kikeriki », en espagnol « quiquiriquí » et « chicchirichi » en italien). Le mot onomatopéique « coq » a supplanté en Français le mot d’origine latine « gallus » tronqué en « gal » qui a pu lui-même évoluer en « gao » et en « jao » (par l’évolution « g > j » et « -al > -ao » vue plus haut).

Dans l’Ouest de la France, c’est le mot « jao » qui a été retenu avant d’être supplanté par le mot «  », par ce qui correspond à la transition T1-T2 (voir partie II-A) qui l’a imposé en Gallo du Nord, comme en Normand, en Mainiot et en Percheron. Le mot « jao » a été maintenu en Loire Atlantique (transition T3) et dans tout le Sud du domaine Roman (de façon encore plus large et spectaculaire que pour le mot « oelhe/ovicula ») sous différentes formes en « jao » (Limousin), « gao » (Provençal) et « gal » ppour les formes encore plus méridionales, toutes issues de la forme commune initiale « gal » (voir figure 8)

Figure 8 : Mot Français « Coq » : localisation des racines en « kok » (onomatopée) et en « gal » (« gao, jao ») (latin « gallus ») dans les langues Romanes d’Europe méridionale (France, Bretagne, Occitanie, Italie, Catalogne, Espagne, Portugal)

Figure 8 : Mot Français « Coq » : localisation des racines en « kok » (onomatopée) et en « gal » (« gao, jao ») (latin « gallus ») dans les langues Romanes d’Europe méridionale (France, Bretagne, Occitanie, Italie, Catalogne, Espagne, Portugal)

Il est intéressant c’est de noter que pour le Breton on a assité à une histoire similaire : la forme onomatopéique française « kog » (empruntée à l’Ancien Français dès le XIème siècle, cf « Dictionnaire étymologique du Breton » A. Deshayes) a repoussé vers l’Ouest la forme originelle « kilhog » par ce qu’on pourrait envisager comme le prolongement de la transition T2 (Est-Ouest) en domaine Breton (voir partie II-A).

La racine du mot originel « kilhog » est celtique, comme le montre son équivalent en Cornique ancien (« chelioc ») et en Gallois (« ceiliog »).

Figure 9 :  Carte ALBB (n°388) « kilhog » et « kog » pour le Français « coq ». La ligne rouge montre la séparation entre la forme « kilhog » à l’Ouest et la forme« kog » à l’Est. Carte complétée par les mots en Gallo (« Cô » au Nord / « Jao » et dérivés en « jaler » en Loire Atlantique)

Figure 9 : Carte ALBB (n°388) « kilhog » et « kog » pour le Français « coq ». La ligne rouge montre la séparation entre la forme « kilhog » à l’Ouest et la forme« kog » à l’Est. Carte complétée par les mots en Gallo (« Cô » au Nord / « Jao » et dérivés en « jaler » en Loire Atlantique)

Pour la petite histoire, le symbole fétiche des cornflakes Kellogg a été choisi comme un « coq », par similitude entre le nom Kellog des fondateurs de la société « kellogg's corn flakes » et le nom du coq en Gallois « ceiliog ». 

Figure 10 : Le symbolisme du coq sous sa forme galloise (« ceiliog ») dans le nom Kellogg.

Figure 10 : Le symbolisme du coq sous sa forme galloise (« ceiliog ») dans le nom Kellogg.

Conclusion du cas 3 :

Les 4 points de ce cas 3 montrent des liens étroits dans le domaine phonétique, grammatical et lexical entre le parler du Pays de Retz et les parlers de Loire Atlantique. Ces données posent la question de l’existence probable d’un dialecte particulier pour les parlers de Loire Atlantique qu’on pourrait nommer « dialecte Nantais du Gallo ».

L’existence d’un tel dialecte est totalement ignorée des « instances officielles » actuelles du Gallo de la Région de Bretagne administrative, représentées essentiellement par l’Institut du Galo.

Les traits souvent incriminés au parler du Pays de Retz pour le rejet linguistique de sa bretonnité ne concernent donc pas ce seul parler, mais concernent tout autant l’ensemble des parlers de Loire Atlantique.

Ces traits, retrouvés également en Poitevin, ne montrent pas une influence unilatérale du Poitevin sur le parler du Pays de Retz, ni une influence unilatérale des parlers Nantais du Nord-Loire sur le parler du Pays de Retz. Plusieurs de ces points sont retrouvés dans des parlers Romans plus méridionaux, Limousin, Languedocien, voire même encore plus Sud, jusqu’aux parlers Romans méditerranéens. Ces convergences sont à situer dans le cadre d’une transition de type T3 Nord-Sud (voir Partie II-A) de la Loire Atlantique jusqu’aux parlers Romans les plus méridionaux.

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