Culture bretonne de Saint-Nazaire (Brière/Presqu'île Guérandaise/Pays de Retz)
Cette publication 18 présentera le cas 4 : les points présents dans la totalité du Pays de Retz mais absents en Gallo « standard » et dans les différents parlers Nord-Loire
Cette publication comporte aussi la conclusion de ce cas 4.
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Avant propos de Karrikell
J'ai l'immense plaisir et honneur d'accueillir sur mon blog Thierry Magot, que je considère comme un véritable érudit des langues, et en ce qui nous concerne du gallo.
La teneur de son exposé qui sera publié ici en plusieurs publications, véritable série ou feuilleton, démonte les affirmations lapidaires de personnes n'y connaissant rien , comme classant le parler de Retz comme un parler Poitevin .
Il est vraiment dommage que le mouvement breton répète à l'envie cette affirmation erronée !
Le mouvement culturel breton se tire une balle dans le pied en faisant le jeu des partisans de la division .
Entre les tenants du "Grand Poitou" (il y en a et certains sont présents en Pays de Retz (historiens du Pays de Retz par exemple, association qui classe ce terroir "entre Bretagne et Poitou",les autres étant les militants culturels poitevins) et les partisans des Pays de la Loire, la Bretagne n'a pas besoin de chiens de Pavlov bretons répétant les choses sans rien y connaître .
Lisez Thierry Magot !
Son exposé est salvateur et va dans le sens de la réunification non seulement politique mais culturelle .
Je publierai peu à peu , publication par publication , l'exposé de Thierry Magot.
Hervé Brétuny, Blog Karrikell
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D. Points présents dans la totalité du Pays de Retz mais absents en Gallo « standard » et dans les différents parlers Nord-Loire (cas 4)
Nous allons aborder ici les traits du parler du Pays de Retz qui ne sont retrouvés dans aucun des parlers Gallo au Nord de la Loire. Ces traits sont présents dans la totalité du Pays de Retz.
La question qui se pose dans ce cas est : ces points de divergence avec ces parlers Gallo et donc avec le Gallo « standard » sont-ils de véritables spécificités du parler du Pays de Retz ?
Ou sont-ils communs avec le Poitevin, voire même (comme on a pu le voir précédemment pour les divergences de vocabulaire) communs à des parlers Romans encore plus méridionaux, voire très Sud (comme vu pour le mot « coq » (Français) et son équivalence Gallo en « jao » diffusée en situation extrême jusqu’à la Méditerranée ?
Cette situation pourrait-elle trouver son explication par l’hypothèse des divergences véhiculées par la transition T3 (Nord-Sud) discutée en Partie II-A.
Contrairement au Français ou au Gallo « standard » (comme tous les parlers Gallo du Nord de la Loire) qui ne distinguent pas le pronom personnel neutre du pronom personnel masculin (tous 2 en « i(l) »), le parler du Pays de Retz distingue le pronom personnel neutre (« o(u)l ») du pronom personnel masculin (« i(l) »).
Exemple : Français « il pleut » ; Gallo « standard » « i chaet de la plley » ; parlers Gallo Nantais (Loire Atlantique) « i mouille » ; Parler du Pays de Retz « ou moille ».
Exemple : Français « Il fallait me le dire » ; Gallo Nord-Loire « Faillait me le dire » ; Parler du Pays de Retz « Faillait m’ou dire »
Une variété d’exemples : (F) Français, (PR) parler du Pays de Retz, (GNL) Gallo Nord-Loire
Français | parler du Pays de Retz |
Gallo Nord-Loire |
Ça n’est pas beau de mentir : | Oul est pas bèo de mentir | C’est pas bèo/biao de menti® |
« Fera-t-il froid demain ? » : | « Ou fera-ti fréd demain ? » | « I fera-ti fréd demain ? » |
« On ne le sait pas encore » : | « Ou lou sait pas core » | « On le sait pas core » |
Il est vraiment temps de partir : | Oul est grand temps de partir | Il est grand temps de parti(r) |
Je te l’ai déjà dit |
Je t’ou z ai déjà dit | Je te l’ai déjà dit |
Tu aurais dû me le dire | T’arais dû m’ou dire | T’arais dû me le dire |
Ne le dites pas | Disez lou pas | Disez le pas |
Il n’a pas arrêté de pleuvoir | Oul a pas décessay de moiller | Il a pas décessë de chaer de la plley |
Figure 1 : Pronom personnel neutre (sous la forme sujet) en « i(l) » en Gallo du Nord Loire et en « ou(l)/o(l) » en parler du Pays de Retz. Exemple « i fait biao » Gallo « standard » ; « i fait bèo » Parlers Nantais (Loire Atlantique) ; « o/ou fait bèo » (Pays de Retz) (carte RA)
Commentaires :
Figure 2 : Le pronom personnel neutre sous la forme sujet/complément dans les langues Romanes du Sud de l’Europe (carte de facture personnelle) A noter que dans certaines de ces langues (comme en Occitan), l’écriture en « o » représente une prononciation en « ou ».
A mi-chemin entre ce point du pronom personnel neutre et de l’article indéfini ou partitif (voir Partie IV-A) en Pays de Coislin, la contraction de « de+le » aboutit en « du », qui aboutirait en parler du Pays de Retz à « dou » :
Au masculin singulier, le Français « ce gars-là » : « le gars la , se gars la, ste gars la »
Au féminin singulier, le Français « cette fille-là » : « la fille la, (e)ste fille la »
Au pluriel, le Français « ces enfants-là » : « sés queniaos la ».
Au masculin singulier, l’adjectif démonstratif est « queu ou quou », par exemple « queu gars »
Au féminin singulier, l’adjectif démonstratif est en « quete » (initialement pour parler d’un objet rapproché) et « quele ou quale » (pour un objet éloigné) mais la pratique a finalement abouti à réserver la forme « quete » pour la notion de temps, par exemple : « quete semaine, quete anay » pour cette semaine, cette année et « quele fille» pour « cette fille-ci » ou « cette fille-là »
Au pluriel, l’adjectif démonstratif est en « qués », par exemple « qués queniaos » (ces enfants).
Figure 3 : Adjectif démonstratif au féminin singulier (carte adaptée à partir du masculin singulier) (carte RA)
Commentaires :
A noter que cette faible spécificité de l’adjectif démonstratif en Gallo du Nord Loire a visiblement été mal perçue par le mouvement Gallo « officiel » qui a préféré depuis quelques années introduire en Gallo « standard » (et dans tous les documents liés à l’Institut du Galo) une forme plus « spécifique » (mais en réalité totalement artificielle et par là absolument fantaisiste, car absente de toutes les grammaires du Gallo) en « la … li », par exemple « la semaine li » ou « l’année li » pour cette semaine ou cette année (!).
Cette convergence de formes pour l’adjectif démonstratif dans toutes ces langues Romanes du Sud de l’Europe est à considérer en tant que produit de la transition T3 (Nord-Sud) vers le Grand-Sud, discutée dans la partie II-A.
Figure 4 : L’adjectif démonstratif dans les langues Romanes du Sud de l’Europe. (carte de facture personnelle)
Conclusion du cas 4
Les 2 points de ce cas 4 (pronom personnel neutre et adjectif démonstratif) sont, pour le parler du Pays de Retz, des points spécifiques à l’intérieur du domaine Gallo. Ils montrent le remplacement d’un point de Gallo « standard » peu spécifique car très peu différent du Français populaire (voire même identique) par un point au contraire très spécifique et très différents du Français, et par là même très déroutant pour un lecteur de Gallo « standard » par ailleurs francophone.
Ainsi les formulations en « il », « ça » ou « on » utilisées pour le pronom personnel neutre sont remplacés par les formulations en « o(u)l » ou « (l)ou »
Ainsi les formulations du type « se », « (e)ste » ou « le … la », utilisées pour l’adjectif démonstratif sont remplacés par les formulations en « queu », « quele », « quete » et « qués »
Les 2 points de ce cas 4) sont à considérer en tant que produits de la transition T3 (Nord-Sud, présentée et discutée dans la partie II-A) vers les langues Romanes du Sud : Poitevin et langues plus méridionales (Limousin Occitan, Languedocien, Provençal, Italien, Catalan, Espagnol, Portugais) d’Europe jusqu’à la méditerranée. Cette transition a déjà été observée pour le cas 3, en particulier concernant le vocabulaire.