Karrikell :
Voici un texte de René Kerviler (texte 1873) au sujet de l'origine du port de Saint-Nazaire. Comme d'habitude dans Karrikell je l'ai aéré et expurgé de notifications peu intéressantes pour une lecture simplifiée .
Je l'ai découpé en onze parties.
vous pouvez retrouver l'original ici : René Kerviler - Armorique et Bretagne
J'ai transformé les notes de bas de page en paragraphe inclus dans le texte mais en gras italique.
Ce qui est en bleu est un ajout de ma part. Je l'ai agrémenté de photos ou images .
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Tables des matières lien
__________________________________________________________________________________Cette étude a été publiée pour la première fois comme premier chapitre de la grande Notice sur le port de Saint- Nazaire, publiée par les soins du Ministère des travaux publics au tome v de la l'Atlas des ports maritimes de France. Tirage à part, Paris, Imprimerie
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Ce n'est qu'en 1802 qu'on découvre les premières préoccupations administratives au sujet de la création d'un port à Saint-Nazaire .
Les registres des délibérations du général de la paroisse qui sont conservés depuis le XVII siècle et que nous avons eus à notre disposition ne nous ont offert aucune mention de projets quelconques avant cette date.
On s'y occupe d'écoles , de fortifications , de l'église, du pont de Méan , d'un hôpital , de mille travaux divers , mais on ne paraît pas songer à la convenance ou à la possibilité de construire un port à l'abri du
promontoire.
Saint-Nazaire n'était encore , à la fin du XVIII ° siècle , qu'un poste de refuge pour les pilotes de l'embouchure de la Loire , et la population des quatre-vingts feux agglomérés sur le rocher ne semblait pas soupçonner un avenir plus prospère .
C'était cependant sur la rade, en face et à l'abri du promontoire , que venaient mouiller les navires à leur entrée en rivière pour purger la quarantaine, et que ceux qui ne pouvaient remonter jusqu'à Nantes étaient obligés de s'alléger sur gabarres ;
c'était aussi le mouillage du stationnaire de l'Etat, et c'était enfin sur la pointe de rocher avancée en Loire
que venaient s'embarquer pour Nantes tous les voyageurs de la région du Croisic et de Guérande .
Mais il n'y avait pas même une simple cale pour faciliter l'accostage.
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Délibérations du conseil municipal et appel au gouvernement
Le 29 pluviôse an X ,(18 février 1802) le conseil municipal se réunit pour étudier les moyens d'obvier aux inconvénients de
cette simplicité beaucoup trop antique , et voici les résultats de sa délibération ' . On émit l'opinion :
1° Qu'un réverbère où phare placé sur le cône du petit cimetière de la cité de Saint-Nazaire serait nécessaire pour éviter de nuit les récifs et hauts-fords de la rivière jusqu'à Paimboeuf; que non-seulement on empêcherait la fréquente quantité de naufrages des petites embarcations en abordant Saint-Nazaire qui est entouré de rochers , mais encore on faciliterait la montée et la descente des navires jusqu'à Paimbœuf en suivant le chenal avec autant de sûreté la nuit comme le jour ; que, s'il y eût eu cet établissement, il est présumable que les naufrages d'une frégate, de deux corvettes et d'un grand transport depuis trois ans n'auraient pas eu lieu ;
2º Que la position de Saint-Nazaire présente, dans la partie nord-est de son église, un cul de sac vaseux formé par la nature, où les navires qui calent plus de 12 pieds (4 mètres) viennent s'échouer dans le temps des glaces .
Les vases étant d'environ 5 pieds de profondeur, portées sur un fond argileux et de pierres faciles à piquer, présentent une ressource assurée pour l'établissement de plusieurs bassins, cales de constructions , ainsi que divers chantiers et magasins .
Il serait très facile et peu dispendieux de faire un quai depuis la pointe de l'église jusqu'aux rochers à terre de Penhouët, les navires s'y amarreraient dessus et auraient à la basse mer plus de 10 pieds d'eau . La dépense n'en serait pas très onėreuse quand on peut évaluer à plus de 10 à 12 millions la perte des bâtiments qui ont fait naufrage dans la rivière depuis dix ans .
Tous les marins n'ignorent pas que , depuis plusieurs années , la passe , pour monter à Paimboeuf, s'est tellement encombrée (de sable) que les pilotes ne veulent plus se hasarder de monter ou descendre les navires calant plus de 12 pieds (4 mètres) ;
« 3° Qu'il serait avantageux de faire faire une chaussée sur les rochers à l'E . - S. - E. de la cité , au lieu dit les Courceaux, qui sert de débarquement à toutes les embarcations et qui est fort dangereux ;
4° Qu'il serait intéressant que le Gouvernement envoyat des ingénieurs pour vérifier les localités et en apprécier l'utilité, etc.
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Le Gouvernement envoie les ingénieurs MM.Groleau et Goury
Le Gouvernement s'émut en effet de cet état de choses , et deux ingénieurs des Ponts et chaussées (MM . Groleau et Goury aîné ')
(M. Groleau avait été avant la Révolution ingénieur des États de Bretagne ; on a de lui des études sur le régime de la Loire postérieures à celles de Magin .)
ayant été chargés par le ministre de la marine d'étudier, à l'embouchure de la Loire , le projet d'un bassin destiné à la construction de deux vaisseaux de 74 canons , vinrent aussitôt à Saint-Nazaire, se firent assister dans leurs opérations par des officiers du génie et de la marine , et furent frappés des nombreux avantages naturels qu'offrait la situation .
Dans un rapport daté du 9 thermidor an XI, (28 juillet 1803) ils exposèrent qu'après avoir exploré le bas du fleuve , ils avaient constaté que Paimbœuf ne pouvait se prêter qu'à la construction des frégates , que la pointe de Mindin sur la rive gauche, en face de Saint-Nazaire , et la Bonne-Anse , située en aval sur la rive droite au pied du phare du Commerce, se refusaient à tout établissement maritime ; et que l'anse de Saint-Nazaire était seule disposée pour recevoir le bassin projeté dont ils évaluèrent la dépense à 4 millions .
Voici , d'après un extrait de leur rapport au ministre de la marine , l'économie générale de leurs propositions et le plan par eux présenté :
« Le bassin construit dans l'anse de Saint-Nazaire se trouverait à l'abri des vents d'O. -S. -O . , du Sud et du S.-E. par la ville et les rochers dont la masse prolongée vers le S.-E. forme un promontoire éminent et protecteur.
Le projet consistera :
1° A construire dans le fond de l'anse un nouveau bassin ou forme en maçonnerie pour la construction et le radoub des vaisseaux de 74.
Les plus grandes marées ne s'élevant à Saint-Nazaire que de 18 pieds (6 mètres) et le radier du bassin ne pouvant être au-dessous des plus basses eaux, il s'ensuit qu'on ne pourra guère y recevoir que des vaisseaux sous lest ou du moins sans armement, et que leurs mouvements pour l'entrée et la sortie du bassin ne pourront s'effectuer que dans les marées d'équinoxe ou dans les marées de pleine et nouvelle lune gonflées par le vent du large.
Dans tous les cas, nous projetons de donner à chaque bassin :
180 pieds de longueur (60 mètres) depuis la plateforme du seuil jusques y compris la dernière banquette du fond ;
66 pieds (22 mètres) de largeur dans le haut
et 24 pieds (8 mètres) de hauteur depuis le dessus du radier jusqu'au couronnement supérieur .
L'entrée sera fermée par une porte busquée de 44 pieds (15 mètres) de passage dont le seuil se trouvera d'environ 5 pieds (1 , 65) plus élevé que le niveau des basses marées d'équinoxe et de 3 pieds 6 pouces ( 1 ", 15) au-dessus des basses marées moyennes de vives eaux, en sorte qu'il y ait 15 pieds 6 pouces (5,15) de hauteur d'eau mesurée sur ledit seuil aux hautes marées d'équinoxe et 13 pieds 6 pouces (4-,50) aux grandes marées ordinaires, etc.
2º A faire un chenal qui serve de passage depuis la rade jusqu'au bassin : ce chenal aura environ 150 toises de longueur (300 mètres) sur 120 pieds de largeur (40 mètres) et sera formé par deux jetées fondées sur enrochement ou pierres perdues dont le tassement aurait été suffisamment éprouvé.Le lit sera ensuite creusé en draguant les vases actuelles .
3º A faire une autre jetée ou môle qui sera établi sur la chaîne de rochers dirigée au S.-E. de Saint- Nazaire , à l'effet d'abriter l'anse et de favoriser l'abordage des petites embarcations .
4º A construire un mur de quai en retour de la jetée de l'Est, à la chute des vases, afin d'y faire approcher les vaisseaux bord à quai et de les y maintenir à flot : la vase obligera sans doute de fonder ce mur sur pilotis, et probablement de construire une partie par encaissement.
5° A établir des corps morts ou ancres fixes dans la partie de la rade de Mindin qui nous a paru plus favorable au mouillage ... »
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Le gouvernement ne donna pas de suite à ce projet Groleau et Goury
Mais des préoccupations d'une autre nature assiégèrent bientôt les conseils du Gouvernement , et le projet Groleau et Goury, conçu principalement en vue de la création d'un poste militaire à l'embouchure de la Loire , resta dans les cartons du ministère sans qu'aucune suite lui ait jamais été donnée .
On sait cependant que Napoléon Ier vint au mois d'août 1808 à Nantes ; qu'il descendit la Loire jusqu'à Saint-Nazaire ;
(A Paimbœuf, on prétend que l'Erapereur ne descendit point plus bas ; mais la descente jusqu'à Saint-Nazaire est consignée dans une pétition officielle des habitants de Saint-Nazaire à Napoléon III , en août 1858 , pendant son voyage de Bretagne : juste cinquante ans plus tard .)
et que , cherchant à créer de grands établissements maritimes et à arrêter un programme de travaux publics , il donna ordre au ministre Decrès de charger d'éminents ingénieurs (MM. Sganzin et Prony) de l'étude particulière de la Loire .
Ceux - ci déclarèrent qu'il fallait renoncer à améliorer la rivière entre Saint-Nazaire et Nantes ; qu'il fallait construire pour 600,900 fr. de quais à Paimbœuf ; et qu'enfin le seul point où un grand établissement pût être aménagé était Saint-Nazaire .