Les Espagnols à Saint-Nazaire en 1378 (Jean d'Ust)  - René Kerviler (chronique en vieux français)
interprétation de Jean d'Ust par Chatgpt (en suivant mes instructions)

interprétation de Jean d'Ust par Chatgpt (en suivant mes instructions)

Les Espagnols à Saint-Nazaire en 1379.

 


Une situation topographique exceptionnelle a fait de tout temps de Saint-Nazaire la véritable clef de la rivière de la Loire, et c'est pour cela qu'elle porte aujourd'hui au-dessus d'une galère à toutes voiles, une clef dans ses armes ; mais en raison même de cette situation , la cité se trouva fréquemment sujette, au moyen âge , aux incursions répétées soit des pirates, soit des flottes ennemies de la Bretagne ou de la France .

 

 

Plusieurs fois ravagée par les Normands, à l'époque des invasions scandinaves, elle dut subir pendant les guerres interminables de la féodalité, les menaces et les descentes à main armée des Espagnols et des Anglais, comme elle les subit encore plus tard sous Louis XIII , sous Louis XIV , sous Louis XV et sous le premier empire, et comme elle les subira sans doute dans l'avenir , puisque la frégate prussienne Augusta a bien pu mouiller toute une journée en vue de ses batteries pendant la funeste campagne de 1870.

 

 

(note karrikell : elle accueillera ensuite l'opération Chariot des britanniques, nom d'une attaque britannique pendant la Seconde Guerre mondiale sur le port de Saint-Nazaire. Elle fut menée par les Combined Operations de Lord Mountbatten, afin de rendre inutilisables certains équipements du port et en particulier la forme Joubert qui faisait de Saint-Nazaire le seul port de France à pouvoir accueillir le Tirpitz, plus gros cuirassé de la Marine allemande encore en service à ce moment-là)

 


Une vieille chronique rimée que nous ont conservée les bénédictins , raconte en particulier avec de grands détails l'insuccès de la flotte espagnole devant Saint-Nazaire , en 1379 , peu après la levée du siège de Guérande , tenté en vain par Clisson, qui guerroyait pour le roi Charles contre le duc de Bretagne. 

 

Ce vieux français a , dans sa naïveté, une saveur fort piquante :

 

texte original  texte contemporain (karrikell grâce à Chatgpt)

 

Cliczon estoit de l'autre part
Qui regardoit et main et tard
Comme Bretaigne peut avoir
Pour les levées en reçevoir ;

 

Cliczon était de l’autre côté,
Observant sans cesse, du matin au soir,
Comment la Bretagne pouvait se défendre
Contre les levées qu’elle devait accueillir.


Il couroit par voaie et par lande ;
Moult dolent estoit de Guerrande
Qui estoit là hors de sa main.
Baaz , Saint-Nazaire , l'isle Rancoët
Et tout le païs à l'endroit
Au duc s'estoient tretous randus ;
Ilz faisoient très-bien leur deubs ....

 

Il courait par les routes et les landes,
Très affligé à cause de Guérande,
Qui était déjà hors de son contrôle.
Batz, Saint-Nazaire, l’île Rancoët, (Ranrouët)
Et tout le pays alentour
S’étaient tous soumis au duc.
Ils faisaient bien leur devoir...


Pendant cela vindrent galées (galères)
En moult grand nombre apareillées
De par le roi gaigner Bretaigne.
Estoient trestous venus d'Espaigne.
Lors Cliczon à Nantes estoit
Et assemblée de gens faisoit
Pour Guerrande aler destrure ,

 

Pendant ce temps, des galères arrivèrent,
En très grand nombre et bien équipées,
Envoyées par le roi pour conquérir la Bretagne.
Elles venaient toutes d’Espagne.
Alors, Cliczon était à Nantes,
Et il rassemblait des hommes
Pour aller détruire Guérande.

 

 

 

Détail du tombeau d'Olivier de Clisson, à Josselin, par Paul Barlow — (wikipedia)

Détail du tombeau d'Olivier de Clisson, à Josselin, par Paul Barlow — (wikipedia)

 

Qu'à lui obéir n'avoit cure ;
Et jura un fort serement
Qu'il la destruiroit voirement ,
Pour ce qu'el ne se vouloit randre .
A Nantes fist engins descendre...

 

Cliczon n’avait aucune intention de se soumettre à l’ennemi,
Et il jura un serment solennel
Qu’il détruirait Guérande pour de bon,
Puisqu’elle refusait de se rendre.
À Nantes, il fit descendre des engins de siège...

 

 

Et pour plus de sûreté, la flotte espagnole qui avait abordé au Croisic , reçut ordre du roi d'aller mettre le siége devant Guérande où le connétable devait bientôt rejoindre ses soldats. 

Le duc de Bretagne était à Vannes lorsqu'il apprit cette nouvelle :

 

 

 

Le duc à Vennes lors estoit
Qui Guerrandois bien confortoit ,
Et leur mandoit de jour en jour
Comme bon prince et bon seignour,
Que de certain les secourroit
Dedans trois jours ou il mourroit...

 

Le duc, alors à Vannes,
Encourageait les habitants de Guérande,
Et leur envoyait chaque jour des messages,
Comme un bon prince et un bon seigneur,
Leur promettant qu’il viendrait les secourir
Sous trois jours, ou bien il mourrait...

 

 

Sur cet avis , le siége fut aussitôt levé ;
mais

 

 

Les Espaigneux n'osèrent pas
Descendre à Saillé ne à Baaz ,
Ains alèrent à S. Nazaire .
Trop plains estoient de vaine gloire ;
Là trouvèrent, comme que fust ,
Le capitaine Jehan d'Ust (1 )

 

Les Espagnols n’osèrent pas
Débarquer à Saillé ni à Batz,
Mais allèrent plutôt à Saint-Nazaire.
Trop remplis d’orgueil et de vanité,
Là, ils trouvèrent, tel que cela fut,
Le capitaine Jean d’Ust,

 

 

(1 ) Le manoir d'Ust était situé près de Saint-André-des-Eaux. La famille d'Ust était en grande considération à la cour des ducs , et nous publierons plus tard un certain nombre de documents qui la concernent.

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Ajout Karrikell : Qui était ce Duc de Bretagne ?  

 

JEAN IV dit le conquéreur ou "an alarc'ch" dans la célèbre chanson bretonne (le Cygne)

 

Pour l'anedote un de ses mariages eut lieu au village paludier de Saillé à Guérande .

 

Lors de la guerre de Succession de Bretagne, le duc Jean IV de Montfort, dit Jean le Conquéreur (1339-1399), allié aux Anglais contre son rival Charles de Blois, avait été chassé par le roi de France Charles V partisan de ce dernier, avec la complicité de la noblesse bretonne lasse de la présence britannique. Mais, Charles V tentant d'annexer la Bretagne à la France, suite à la mort de Charles de Blois, au mépris des droits de Jean de Montfort, les Bretons unanimes le rappelèrent de son exil : et c'est ainsi que, le 3 août 1379, il débarquait triomphalement à Dinard pour reconquérir le trône de Bretagne. La chanson est aujourd'hui un symbole de l'indépendance bretonne.

Tableau représentant le troisième mariage du duc Jean IV avec Jeanne de Navarre en l'église Saint-Clair de Saillé, le 11 septembre 1386 (représentation fantaisiste du XVIIe siècle).

Tableau représentant le troisième mariage du duc Jean IV avec Jeanne de Navarre en l'église Saint-Clair de Saillé, le 11 septembre 1386 (représentation fantaisiste du XVIIe siècle).

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texte original  texte contemporain (karrikell grâce à Chatgpt)

 

Qui leur offrit grands courtoisies
En fait d'armes de toutes guises .

 

Qui leur offrit une courtoisie guerrière,
Prêt à se battre sous toutes les formes.

 


Le fort avoit envitaillé
Et moult tres-bien embataillé

Pour le recepvre à lie chère ;

 


Il avait ravitaillé la forteresse
Et préparé une solide défense
Pour accueillir l’ennemi avec détermination.

 

Et si avoit mis la banière
Du duc en hault sur le chastel ;

 

Il avait aussi hissé la bannière
Du duc tout en haut du château.


L'estat dedans estoit moult bel,
Car canons et artillerie ,
Bonnes gens d'armes tretous de trie ,
Qui estoient aspres et delivres
Avoit dedans , et assez vivres.

 


L’état des lieux était très bon,
Avec des canons, de l’artillerie,
Et de nombreux soldats d’élite,
Rapides, audacieux et bien équipés,
Ainsi que des vivres en abondance.


L'Amiraut lors va envoier
Jusqu'au chasteau un escuier
Pour suplier à Jehan d'Ust

 

L’amiral espagnol envoya alors
Un écuyer au château
Pour supplier Jean d’Ust,


Courtoisement que il li pleust
Retenir là ceul escuier ,
Et aux galées envoier
Un gentilhomme parler à li ;

 


Avec courtoisie,
De retenir cet écuyer en otage
Et d’envoyer un gentilhomme aux galères
Pour parler avec lui.

Jehan de rien n'en a failli ,
Ains envoia jusqu'aux galées
Du chasteau Jehan de Henlées ( 1) ...

 

Jean d’Ust ne manqua pas à son devoir
Et envoya vers les galères
Jean de Henlées, un homme du château...

 

 

(1 ) On dit aujourd'hui Henleix . C'est un nom breton, dont le radical indique presque certainement le passage d'une voie romaine. La famille de Henleix, dont le manoir était situé près du phare actuel du Commerce, était la plus puissante de la paroisse , comme celle d'Ust à Saint-André. Nous aurons aussi occasion de publier des documents intéressants sur le fief de Henleix et sur ses possesseurs .

 

L'écuyer espagnol était tout simplement un espion de l'amiral , et Jehan d'Ust s'en était aperçu ; mais comme il ne craignait rien , il renvoya très courtoisement cette sorte d'otage, au retour de Henlées , qui revint sans avoir rien conclu : et l'écuyer alla faire son rapport qui fit perdre l'envie aux Espagnols d'attaquer Saint-Nazaire :

 

 

... Il sot bien dire l'ordennance
Du fort et toute la deffense ,
Et dit bien que viande preste
N'estoit pas de prandre tel beste ;
Comme dedans estoit enclose ;
Ce lui sembloit diverse chose.
Tantost que l'Ammiraut oüit
Ce que l'escuier li ot dit ;
Les galées et leurs pannons
Fist esloigner pour les canons ;
Et envoia jusques à Nantes
Deux galées les plus parentes
Pour montrer qu'ilz étoient venus :
Si estoint-ils pouvres et nuz,
Chetiffs et las et affamez ,
Et n'estoint pas de tous armez ; …..

Celui-ci expliqua en détail
L’organisation et la défense du fort,
Et affirma que tenter de s’emparer du château
Serait aussi difficile que d’attraper une bête féroce.
Ce siège lui semblait voué à l’échec.

Dès que l’amiral entendit
Ce que l’écuyer lui avait rapporté,
Il fit éloigner les galères et leurs bannières
Pour éviter le feu des canons.
Il envoya aussi deux galères
Vers Nantes, les plus rapides,
Pour annoncer leur arrivée.
Mais ses hommes étaient pauvres et mal en point,
Fatigués, affamés et démunis,
Et même pas tous armés...

 

 

Cependant trois cents Espagnols s'étant hasardés à faire une descente , Guillaume du Chastel, à la tête de seize Bretons seulement, marcha contre eux, en tua plusieurs et mit le reste en fuite. Les fuyards portèrent l'alarme dans toute la flotte , ce qui obligea l'amiral de remettre à la voile et d'aller tenter fortune ailleurs . Il vogua du côté de Rhuys, ajoute Dom Lobineau qui a minutieusement analysé la vieille chronique, et il y fit débarquer cinquante-cinq hommes ;

 

mais Jean de Malestroit, avec environ dix lances ne leur donna pas le temps de faire beaucoup de désordre : « il en tua trente-trois et fit les autres prisonniers . Après ce second échec les Espagnols n'osèrent plus faire de descentes en Bretagne et s'en retournérent chargés de confusion . (1)

 

>>(1) DOM LOBINEAU, Histoire de Bretagne, I. 426.

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