Les Vénètes, et Brivates Portus, René Kerviler (1892) (1/6)
Cette publication est le cinquième chapitre extrait de "Armorique et Bretagne" (1892) de René Kerviler .
Dans cette étude René Kerviler démontre que le territoire des Vénètes englobait la presqu'île Guérandaise et que Brivates Portus était peut-être l'actuel port de Méan. (Saint-Nazaire actuel), la célèbre bataille des Vénètes aurait donc eu lieu au large du Croisic. On y apprend aussi que les Namnètes étaient donc plus à l'est car c'était un peuple terrien.
Rappel : je rapporte très peu des notes internes qui sont souvent des bibliographies.
Les inscriptions en bleu sont de moi pour vulgarisation.
Karrikell.
Un des points les plus controversés de l'histoire ancienne de la Gaule est celui de savoir en quelle région du littoral armoricain César défit en bataille navale la flotte des Vénètes, et ruina ainsi le dernier rempart de l'indépendance gauloise dans les régions occidentales .
De tous les peuples armoricains , un seul, a justement remarqué M. de Courson, a fait figure dans l'histoire :
ce sont les Venètes .
Habitués à braver les tempêtes sur des navires de chêne aux voiles d'un rouge sombre, ils avaient acquis une habileté et une hardiesse de manœuvres inconnues aux nations qui naviguent sur des mers plus tranquilles . De là leur puissance, et une supériorité maritime si bien reconnue, que tout vaisseau fréquentant ces parages leur devait payer un droit de passage .
Strabon affirme que, maîtres du commerce de la Bretagne (Grande-Bretagne actuelle ), les Vénètes avaient, de bonne heure, pris des dispositions pour empêcher les Romains de passer dans l'île et que tel fut le véritable motif qui conduisit César en Vénétie.
On sait comment l'inexorable conquérant procéda par la terreur après sa victoire, faisant massacrer tous les sénateurs de la peuplade, et vendre comme esclaves tous les hommes valides qui lui avaient résisté.
A partir de ce jour, il n'y eut plus de marine gauloise, et l'habile capitaine put faire son expédition chez les Bretons insulaires : expédition sans résultat , mais dont l'effet, Cicéron le constate, n'en fut pas moins immense.
Loire-Inférieure, Morbihan et ...Finistère s’attribuent Portus Brivates !
On a beaucoup disserté, depuis deux cents ans, sur la campagne de César en Vénétie, et la discussion s'est surtout accentuée depuis une vingtaine d'années, pour arriver à des conclusions qui paraissent définitives .
La plupart des archéologues de la Société polymathique du Morbihan ont soutenu que l'envahisseur s'avança par terre jusqu'au petit golfe qui a donné son nom à ce département, et que la célèbre bataille, dont le résultat fut si désastreux, eut lieu, soit dans l'intérieur du golfe , entre Locmariaker et les îles , soit directement à l'extérieur, entre Saint -Gildas de Rhuys et la presqu'île de Quiberon .
Les membres de la Société archéologique de la Loire-Inférieure, au contraire , prétendent, à la suite de M. de Kersabiec et à la mienne, que César n'a jamais franchi la Vilaine et que la grande collision eut lieu sous Guérande, dans la baie du Croisic.
C'est dans les Mémoires de l'Association bretonne pour le congrès de Quimper, en 1873, que j'ai résumé la théorie de M. de Kersabiec sur les Venètes de la presqu'île guérandaise , en la renforçant, au point de vue de l'expédition de César, par de nouveaux développements et des preuves tirées à la fois du texte césarien, de la nature du sol et de l'état respectif des deux régions situées sur les deux rives de la Vilaine, après la conquête.
Ce mémoire s'appelait Etude critique sur la géographie de la presqu'île armoricaine au commencement et à la fin de l'occupation romaine . M. Burgault, président de la Société polymathique du Morbihan, lui porta les premiers coups dans sa Notice sur les Peuples armoricains , publiée en 1875, au Bulletin de cette Société :
mais s'il maintient l'expédition de César dans ou devant le golfe du Morbihan, suivant l'ancien système , il accorde que le territoire vénétique devait alors s'étendre de l'embouchure de la Loire au goulet de Brest, englobant l'ancien Samnium armoricain , qu'il ne confond pas avec le territoire des Namnètes placé dans l'intérieur des terres .
M. Desjardins , dans le tome Ier de sa Géographie de la Gaule romaine, publié en 1876, admet, au contraire , le lieu de la bataille navale de César dans la baie du Croisic, mais il place un bras de la Loire , à cette époque , à Saint-Lyphard, et y fixe la situation de Brivates Portus .
M. Ramée , dans la Revue des Sociétés savantes de 1878, recule encore davantage l'emplacement de Brivates , et, traversant toute la Brière au delà de Pontchâteau , va le chercher aux sources du Brivet, au fond des marais de Saint-Gildas, à un petit village qu'on appelle encore aujourd'hui Brivet.
Presque au même moment, M. Le Men, dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère , identifiait de nouveau Brivates Portus avec Gesocribate, pour le refouler jusqu'à Brest .
Puis , M. de la Borderie , combattant, dans un mémoire intitulé Diablintes , Curiosolites et Corisopites, présenté au congrès de l'Association bretonne à Quintin, en 1880, l'opinion que j'avais empruntée à M. Auguste Longnon, pour placer les Diablintes dans l'ancien évêché d'Aleth , a contesté l'attribution du territoire vénétique jusqu'au goulet de Brest, en réclamant l'île de Sein pour Sena insula , et en faisant observer que Pomponius place Sena en face du territoire ossismien ..
Plus tard , M. Orieux, ancien agent-voyer en chef de la Loire-Inférieure, a repris à Nantes , en 1883, l'ancienne thèse des Venètes limités à la Vilaine et l'attribution du golfe du Morbihan à la campagne de César, et M. le sénateur de La Monneraye , dans une magistrale étude sur la géographie armoricaine , publiée en 1885, a placé Brivates à Pontchâteau et la défaite des Venètes dans le trait du Croisic, tout en maintenant leur territoire à l'ouest de la Vilaine.
Enfin , M. de l'Isle, au Congrès de Pontivy, en 1887, reculant les Venètes jusqu'à l'extrémité du Finistère, en face de la Grande-Bretagne, a placé le théâtre de la lutte maritime entre le Raz et Penmarc'h , près des oppida décrits par M. Du Châtellier, au milieu desquels il reconnaît le Vindana Portus de Ptolémée :
et tout récemment, en 1890 , M. Léon Maître , archiviste de la Loire-Inférieure, reprenant la thèse de M. de Kersabiec et la renforçant pas de nouveaux arguments, a placé Brivates Portus dans la baie du Croisic , et Veneda à Saillé .
Je n'ai donc pas manqué de redoutables adversaires ; et la rapide énumération que je viens de faire montre que la question conserve, depuis vingt ans , tout son intérêt ; mais je ne me crois pas encore battu , et ce mémoire a pour but de démontrer que je dois garder mes positions jusqu'à nouvel ordre¹.
Je le diviserai en trois chapitres , qui résultent de la nature même du sujet :
1º Le territoire venète
2º L'expédition de César
3º L'emplacement de Brivates Portus
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