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7 avril 2023 5 07 /04 /avril /2023 15:04

 

Je continue mon travail de découverte des travaux un peu méconnus ayant trait à la langue bretonne, ici cet article très intéressant comparant la certaine indifférence envers la disparition du dialecte guérandais par rapport à l'émoi que provoqua la fin de la langue cornique.

La Batzienne Clémence Le Berre n'est pas devenue célèbre comme la Cornique Dorothy Pentreath ...

A chaque fois que je me suis permis de rajouter un titre ou une image, je le précise (Ajout Karrikell)

J'ai noté en bleu les notes de bas de page que l'on trouve en  fin d'article dans l'article original, toujours dans l'optique d'une meilleure facilité de lecture,  et je n'ai également pas mis la bibliographie .

Pour lire l'original  : https://journals.openedition.org/lengas/3213?lang=en

 

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Fanch Postic (photo parue sur "Le Télégramme", photo Fanch Postic)

Fanch Postic (photo parue sur "Le Télégramme", photo Fanch Postic)

En régression depuis le xvie siècle, la langue bretonne n'a définitivement disparu du pays de Guérande que dans la seconde moitié du xxe siècle.

 

Mais quand, au cours de l'été 1925, l'abbé François Cadic rencontre Clémence Le Berre, du village de Kermoisan, à Batz-sur-Mer, il pense bien avoir affaire à l'ultime locutrice de ce que certains considèrent comme un cinquième dialecte breton, à « la dernière bretonnante de la presqu'île guérandaise », pour reprendre le titre de l'article qu'il publie l'année suivante dans La Paroisse bretonne de Paris, bulletin de la société qu'il a lui-même créée en 1897 pour venir en aide à ses compatriotes émigrés de la capitale.

(Sur l'œuvre de la Paroisse bretonne de Paris et la biographie de son fondateur, voir Fañch Postic, introduction à Contes et Légendes de Bretagne. Contes populaires, t. 1 de la collection des œuvres de François Cadic (1997))

 

 

En juillet 1925, tandis que la société suspend ses activités pour les vacances, François Cadic revient, comme chaque année, passer quelques jours de vacances dans sa famille aux environs de Pontivy.

(François Cadic est né en 1864 dans une famille d'agriculteurs de Noyal-Pontivy)

 

Là, le collecteur de littérature orale se met en quête de chants et de contes qui, pendant une année, nourriront la publication.

 

Bénéficiant de la voiture d'un ami qui se propose de le conduire, il en profite également pour se rendre dans la presqu'île de Guérande, toute proche, où la présence de la langue bretonne, lui a-t-on dit, est sérieusement menacée.

 

« Il y a longtemps, m'avaient dit les gens avertis, que le bourg de Batz lui-même, asile suprême du breton, s'est rangé dans le camp gallo-romain. Hâtez-vous, si vous voulez retrouver encore par-là quelques bretonnants. Je tenais à voir par mes propres yeux, à entendre par mes propres oreilles. » François Cadic se rend donc sur place.

 

 

1 « Pour l'unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître »

 

Un an plus tard, dans le numéro de juillet-août 1926 de la Paroisse bretonne, il rend donc compte du résultat de son excursion. (Le texte de François Cadic a été repris et publié dans Çà et là à travers la Bretagne, t. 6 de la collection des œuvres de François Cadic (Cadic 2002)

 

Mais, entre temps, il convient de le rappeler, l'été 1925 a été marqué par deux événements qui ont provoqué quelques remous chez les défenseurs du breton et des autres langues régionales parlées dans l'Hexagone.

 

Le 19 juillet, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, Anatole de Monzie, inaugure le Ty-Breiz, le pavillon de la Bretagne construit pour l'Exposition internationale des arts décoratifs.

 

C'est notamment l'occasion de découvrir un groupe d'artistes bretons, les Seiz Breur (les Sept Frères), fondé en 1923, qui veut résolument rompre avec les bretonneries pour proposer une approche artistique contemporaine, pour « être furieusement moderne », proclame-t-il.

 

Le ministre, après avoir remercié ses hôtes, déclare qu'en Bretagne, et dans d'autres provinces, seul l'art régional mérite d'être conservé, ajoutant une phrase souvent citée depuis :

 

 

« Pour l'unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître ».

 

 

Cela provoque, lit-on souvent, un tollé général.

 

En fait les réactions immédiates se limitent, semble-t-il, à un seul sifflet, dont plusieurs personnes se sont ensuite disputé la paternité (Le Couédic/Veillard 2000, 27-28).

 

Un mois plus tard, le 14 août, le même ministre publie une circulaire « relative aux idiomes locaux ».

 

« L'école laïque, peut-on y lire, pas plus que l'Église concordataire, ne saurait abriter des parlers concurrents d'une langue française dont le culte jaloux n'aura jamais assez d'autels. »

Fig. 1. — François Cadic (coll. part).

Fig. 1. — François Cadic (coll. part).

François Cadic n'est pas le dernier à réagir. Dans « Défense de la langue bretonne », un article publié dans le numéro de février 1926 de la Paroisse bretonne, (Publié dans Cadic 2002, 369-372)

 

le partisan d'une « autonomie » comprise comme une décentralisation des pouvoirs exempte de toute idée de séparatisme fustige une nouvelle fois la centralisation prônée par un ministre dont il souligne, en passant, le revirement politique :

 

« Lorsque, en ma jeunesse, je fréquentais les abords de la Sorbonne,

(François Cadic a suivi, vers 1890, des études d'histoire à l'Institut catholique de Paris où il a même occupé la chaire pendant l'absence de son titulaire. Il a probablement préparé l'agrégation à la Sorbonne)

de Monzie se trouvait aussi dans les parages.

 

On lui prêtait quelque esprit, des goûts littéraires, voire, en sa qualité d'enfant du Quercy, des idées décentralisatrices. L'âge et la politique ne lui ont pas rendu service loin de là. Non content de brûler ce qu'il adorait, l'esprit a fini par se fourvoyer. Sans doute est-ce l'effet du milieu. Hissez un Français sur le pavois, il s'imaginera être un Napoléon. Il en empruntera la mentalité ; il sera centralisateur à outrance. »

 

Pauvre langue bretonne, poursuit-il, voilà ton affaire réglée ! [...] Il faut que tu disparaisses. » « Une fois encore te voilà sur la sellette, avec tes sœurs d'origine non française oh ! langue de mes aïeux, vénérable breton que j'ai appris à parler sur les genoux de ma mère. Qu'ont-ils contre toi les gouvernants qui depuis quelques temps, en France, se succèdent au pinacle pour te refuser le droit à la vie ? [...] Mort au breton ! clament-ils. Mort aux idiomes qui n'ont pas leurs extraits de naissance aux bords de la Seine. Tout le monde sous le niveau français, d'un bout du territoire à l'autre, car telle est notre volonté. »

 

 

Voyage au pays de Guérande (ajout Karrikell)

 

La mort, le deuil..., un registre de vocabulaire à nouveau présent, quelques mois plus tard, dans le compte rendu de son voyage au pays de Guérande : « Demain, écrit François Cadic, dans un coin de la Bretagne bretonnante, la presqu'île guérandaise, il faudra aussi faire son deuil de la langue des aïeux.

 

La dernière personne à s'en servir aura vécu. » S'exprime également un fort sentiment de nostalgie qu'exhale le paysage lui-même :

 

« On se dirigea sur Guérande. Assise sur son tertre de verdure, les reins ceints de sa rude ceinture de murailles féodales, le chef coiffé de sa cathédrale gothique aux verrières éclatantes, l'antique forteresse des Montfort veillait sur le plat pays, telle une sentinelle armée en guerre. Il y avait de la mélancolie dans le paysage, une sorte de nostalgie du passé.

 

Aux coins de rue, parmi les pavés raboteux, l'herbe folle poussait et contre les poternes on se heurtait à de gros boulets de fer qui traînaient par terre, comme si la place sortait d'un siège.

 

On aurait cru la ville endormie dans un rêve que le passage des nombreux touristes ne tirait pas de son enchantement. Était-il possible qu'en un tel lieu, où tout respirait histoire et traditions, il ne fût pas demeuré quelques vestiges du parler des ancêtres ? »

2 L'ombre de Dolly Pentreath

 

François Cadic ne fait dans la presqu'île guérandaise qu'une brève incursion — sans doute une seule journée — et sa visite, visiblement improvisée, revêt un caractère essentiellement affectif et symbolique. : tandis que la volonté d'imposer le français comme une langue unique de la République se fait à nouveau pressante, la situation de la langue bretonne en pays guérandais présage pour lui ce qu'il adviendra bientôt dans toute la Basse-Bretagne.

 

Et le lien s'établit tout naturellement avec le sort subi par la langue cornique face à la langue anglaise. Comment en effet ne pas établir un parallèle entre les péninsules guérandaise et cornouaillaise, et entre leurs dernières locutrices ?

 

C'est d'ailleurs par une référence à Dolly Pentreath que François Cadic ouvre son article :

 

« À la fin du xviiie siècle, mourait en Cornouaille anglaise une pauvre vieille femme dont la disparition fut un évènement. Elle était la dernière à parler celtique, en cette péninsule de Grande-Bretagne. Avec elle disparaissait le cornish, l'un des rameaux de notre vieille langue bretonne, jadis si répandue sur le pays d'Occident, maintenant traquée sans merci par les deux langues conquérantes, l'anglais et le français. »

 

Peut-être en a-t-il entendu parler au congrès de l'Union régionaliste à Lesneven en 1903, où, venu lui-même présenter les activités de la Paroisse bretonne de Paris, il a pu assister à la prise de parole en cornique d'un certain Henry Jenner.

(Né en 1848, Henry Jenner, auteur en 1904 du Handbook of the Cornish language, est l'un des pionniers du renouveau de la langue cornique au début du XXe siècle. Ayant appris le breton, il entretient des liens avec le mouvement régionaliste breton et est membre du Gorsedd, c'est-à-dire de l'assemblée des bardes de Bretagne.)

Fig. 2. — Dolly Pentreath (coll. C.R.B.C./U.B.O. Brest)

Fig. 2. — Dolly Pentreath (coll. C.R.B.C./U.B.O. Brest)

Dorothy Pentreath, plus connue sous le nom de Dolly Pentreath, habitait Mousehole, près de Penzance. Après sa mort, survenue en 1777 — elle avait 102 ans —, sa notoriété s'est propagée bien au-delà de sa seule Cornouaille britannique.

 

Ainsi, dans les années 1970, l'écrivain Pierre-Jakez Hélias consacre à celle qu'il présente encore, en note, comme la dernière à avoir parlé le cornique, un poème bilingue — Kanenn Dolly Pentraeth/Le Chant de Dolly Pentraeth — où il évoque la disparition du breton et qui se termine ainsi (Hélias 1974, 128-129) :

KANENN DOLLY PENTRAETH
Ma yez a gan a-dreuz peb ger
An tadou koz, ar paour-kêz treued,
Ar beo, ar maro, se zo heñvel,
Harlu ar bed ha deiz ar Varn.
Ma yez a gan e doare Breiz,
A gane kentoh, fell din lared,
Pellaad a ra he mouez bewech
Ma tiskenn korv eur houer en douar,
Dolly Pentraeth.

Dolly Pentraeth, tremen poent eo
Lezel da vond ar pez a garer
Gand youh diweza-oll ar hreiz
Ma teu ar peoh da respont dezañ.

(Ma langue chante avec ses mots
Les grands aïeux, les pauvres bougres,
La vie et la mort, c'est tout comme,
L'exil du monde et le Grand Jour.
Ma langue chante son breton,
Le chantait plutôt, je veux dire
Sa voix s'éloigne à chaque fois
Qu'on met en terre un laboureur,

Dolly Pentraeth
Dolly Pentraeth, il est grand temps
De laisser aller ce qu'on aime.
Avec le dernier cri du cœur,
Dont le silence est la réponse.)

Cent cinquante ans plus tard, Clémence Le Berre apparaît donc comme une nouvelle Dorothy Pentreath :

 

« Semblable à la Cornouaillaise d'Angleterre de la fin du xviiie siècle, Clémence Le Berre est la gardienne du Feu sacré. Avec elle s'éteindra la flamme vacillante. Aussi ce n'est pas sans émotion que je prends congé d'elle. »

 

L'article de François Cadic n'est d'ailleurs pas sans rappeler le compte rendu du voyage de Daines Barrington en Cornouaille en 1768 et le récit de sa rencontre avec Dolly Pentreath :

 

« Dans une pauvre et proprette chaumière, au bord de la route, une brave et accorte paysanne, coiffée du bonnet de la région et qui portait allègrement le poids de ses soixante-dix ans. Esprit vif et dégagé, parole abondante. [...] Je la saluai en breton, et aussitôt un joyeux sourire illumina son visage, comme si elle avait entendu la voix d'un proche qui revenait après une longue absence. Elle me répondit en breton. »

 

Mais la Guérandaise ne connaîtra pas la célébrité de sa devancière cornouaillaise. Sans François Cadic, on ignorerait même jusqu’à son existence.

 

Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants à Batz-sur-Mer, qui lui a consacré des recherches, a simplement retrouvé la trace au village de Kermoisan, dans l’entre-deux-guerres, d’une Prudence Le Berre née en 1860.

 

Si c’est bien celle que rencontre François Cadic — qui lui donne plus de soixante-dix ans —, elle n’était donc finalement guère plus âgée que lui !

Ajout Karrikell : Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants à Batz-sur-Mer,, photo :www.association-eclat.fr/

Ajout Karrikell : Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants à Batz-sur-Mer,, photo :www.association-eclat.fr/

3 Les derniers Bretons

 

La disparition d'une Clémence (ou Prudence) Le Berre ou de ses contemporains n'a pas suscité l'émotion qu'occasionna la mort d'une Dolly Pentreath, à la mémoire de laquelle on fit même, en 1860, graver une plaque commémorative dans le cimetière de Mousehole. (Sur l'initiative du prince Lucien Bonaparte.)

 

En Bretagne, les lendemains de la Première Guerre mondiale constituent une période charnière marquée par un conflit de générations. Né en 1864, dans un monde rural, François Cadic, le « recteur des Bretons de Paris », exprime régulièrement sa nostalgie devant la disparition inexorable d'une Bretagne, celle de sa propre enfance, avec ses costumes, sa musique, ses danses, ses paysages et sa langue du quotidien.

 

Et, dans une vision manichéenne et quelque peu simpliste, il oppose volontiers l'image idyllique d'une Bretagne du passé, heureuse, attachée à la terre, à la religion, aux traditions — une Bretagne des ancêtres, des « aïeux » —, à celle d'une Bretagne désormais menacée par « la marée montante de la Centralisation », par les influences néfastes des modes de vie urbains...

 

Le vocabulaire de son compte rendu est, de ce point de vue, très significatif.

 

« Combien elle était heureuse, écrit-il au moment de sa rencontre avec Clémence Le Berre, de pouvoir s'exprimer enfin dans cette langue aimée qui avait été celle de ses parents et qu'elle avait apprise sur les genoux de sa mère. »

 

On trouve là un écho à ce qu'il écrivait déjà dans l'article qui faisait suite aux prises de position d'Anatole de Monzie :

 

« Oh ! langue de mes aïeux, vénérable breton que j'ai appris à parler sur les genoux de ma mère. »

 

À Paris, où il continue à prôner le port du costume breton, le maintien de la langue., le prêtre morbihannais se sent lui aussi comme l'un des derniers tenants des traditions bretonnes, l'un des derniers remparts contre la « Mode parisienne » qui va transformer la Bretagne en « banlieue de la Capitale » (Cadic 2002, 200).

 

Il est, pour reprendre le titre d'un ouvrage de l'écrivain Émile Souvestre paru près d'un siècle plus tôt, l'un de ces « derniers Bretons » auquel son propre pays, dont il mesure, à chacune des vacances, les rapides et profondes transformations, devient peu à peu étranger : c'est aussi le sentiment qu'il attribue à Clémence Le Berre :

 

« Clémence était donc la seule de son espèce, et en le disant, il lui échappait de gros soupirs, comme si elle se sentait désormais une étrangère sur cette terre qui fut celle des siens »

(Ce thème est également exploité par l'écrivain Charles Le Goffic à travers le personnage de Tréphen ar givri qui apparaît dans le roman L'Abbesse de Guérande, publié à Paris en 1921.)

 

À côté du vocabulaire évoquant l'invasion — celle des touristes par exemple —, François Cadic met également en avant celui de la trahison, celle des Bretons eux-mêmes qui, reniant leur passé, leurs origines..., dilapident leur héritage en s'empressant d'abandonner leurs traditions et leur langue pour adopter les modes de vie urbains :

 

« En quittant le marais guérandais, il m'a semblé que je quittais le cimetière où dormait un grand nombre d'hommes de ma race, et je me suis senti le cœur endolori, à la pensée que leurs fils étaient infidèles à leur mémoire et avaient renoncé à la plus belle portion de leur héritage, à leur Langue. »

 

L'infidélité, c'est aussi celle des jeunes militants nationalistes qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, voudraient justement faire table rase de cette Bretagne du passé, du folklore. Issus le plus souvent d'un milieu urbain, ceux dont le breton n'est généralement pas la langue maternelle souhaitent, dans une vision plus élitiste de la langue et de la culture, voir émerger une Bretagne moderne qui pourrait trouver sa place dans le concert des nations et dont la littérature, notamment, serait l'égale des grandes littératures européennes.

 

Certains d'entre eux passent d'ailleurs un temps par la Paroisse bretonne de Paris, vers 1920, tels Meven Mordiern (René Le Roux, né à Bordeaux en 1878.), le père de ce qu'on appelle parfois le « breton chimique », ou Olivier Mordrelle (Né à Paris en 1901, il adoptera pour son nom la graphie bretonne Olier Mordrel.)

 

En 1925, ce dernier fonde avec Roparz Hémon (De son vrai nom Louis Némo, il est né à Brest en 1900.), la revue Gwalarn dont le manifeste, en février, est significatif :

 

« Réaction violente et raisonnée de la jeunesse cultivée contre les modes surannées et la fausse paysannerie mise en honneur par le régionalisme, contre le clinquant, les fadaises, le plat et le naïf propagandisme dont a vécu jusqu'ici ce qu'on veut bien appeler notre littérature. [...]

 

Pour la première fois, une revue bretonnante présentera exclusivement à des lecteurs instruits des articles faits pour eux, susceptibles de les intéresser au même degré qu'une page tirée de n'importe quelle publication d'une capitale européenne, au lieu de contes enfantins et de poésies poussives à l'usage d'illettrés. »

 

L'attaque vise les folkloristes et les régionalistes, rendus responsables d'une vision surannée et passéiste de la Bretagne, celle des contes populaires, des légendes et des gwerzioù (Gwerz (pluriel gwerzioù), chant narratif à caractère historique, très présent en Bretagne bretonnante) que collecte encore un François Cadic, celle du chanteur Théodore Botrel qui, en 1905, l'année de l'apparition du personnage de Bécassine, a créé à Pont-Aven la première fête folklorique avec concours de danses, de costumes...

 

C'est encore l'institution en 1925 d'une duchesse des Bretons de Paris qui, en avril, parcourt les rues du xive arrondissement sur son « char-menhir »...

 

Les régionalistes sont souvent eux aussi des citadins qui, confortés par le développement du tourisme, reprennent à leur compte, en les réinterprétant à des fins spectaculaires, les costumes, danses et autres traditions que les populations rurales abandonnent, sans réel souci de préserver une culture populaire authentique pourtant encore bien vivante dans une bonne partie de la Bretagne.

4 Une langue sans altération

 

Favorable à la République, partisan d'une petite patrie bretonne au sein de la grande patrie française, acquis aux idées de la démocratie chrétienne, François Cadic se sent toutefois plus proche d'un Théodore Botrel ou d'un Anatole Le Braz, tous deux disparus en cette année 1925, que des jeunes nationalistes qu'il a un temps accueillis et fréquentés à la Paroisse bretonne et auxquels il s'en prend violemment, dénonçant en particulier leurs idées séparatistes.

 

Il évoque ainsi dans le numéro de la Paroisse bretonne d'août-septembre 1925, le « clan des néo-bretons nés dans les villes, dont les parents depuis des générations avaient renoncé à la langue nationale et qui, saisis soudain d'un amour fougueux pour la petite patrie, se sont mis à se barbouiller la cervelle d'un breton livresque et à distribuer des brevets de bretonisme à qui bon leur semble. (« Botrel » dans Cadic 2002, 387)

 

Ceux-ci le lui rendent bien : « c'était au temps, écrit Olier Mordrel dans ses souvenirs, où Saïg

(François Le Goff, prêtre né à Plouider en 1893. En 1920, à Paris, il est président de la première section de l'Unvaniez Yaouankiz Breiz (Union de la Jeunesse de Bretagne), c'est-à-dire du Groupe régionaliste breton, mouvement nationaliste créé en 1918.)

 et moi allions à la Paroisse Bretonne de l'abbé Cadic, l'unique foyer breton de l'époque, à une portée de fusil de la gare Montparnasse, pour tenter d'introduire l'élément celtique dans les séances récréatives du dimanche dont le but était de détourner les bonnes à tout faire des bals musettes.

 

Personne ne perçait à jour nos intentions, le brave abbé tout à ses marottes moins que les autres. [...] Rien n'avait changé sous ces plafonds noircis depuis Hersart  (Théodore Hersart de la Villemarqué, auteur, en 1839, du Barzaz-Breiz.) et Laënnec. Les guerzes et contes de son pays pontivyen, que l'abbé recueillait par goût archéologique, ne lui semblaient présentables qu'à travers une traduction française. C'est chez lui que nous avons senti avec le plus d'intensité la rupture totale entre la génération marquée par le xixe siècle et le nôtre » (Mordrel 1973, 111).

 

Le conflit de générations est donc patent et les objectifs radicalement différents. Pour François Cadic, il s'agit de maintenir un lien entre les Bretons de Paris et leur culture orale d'origine afin d'éviter un trop grand déracinement qui aurait bien entendu de fâcheuses conséquences sur leur état spirituel.

 

Conservation du costume, attachement à la langue bretonne parlée. sont avec la musique, le chant, les contes, la danse, mis à l'honneur lors de réunions régulières, des « moyens d'apostolats » pour préserver une identité bretonne dans une ville qui apparaît au prêtre comme celle de tous les dangers.

 

Autant de soucis dont n'ont évidemment que faire les militants nationalistes, tenants d'une langue bretonne épurée, unifiée. Et François Cadic de leur opposer, à différentes reprises, la pureté du breton de certains auteurs, bretonnants de naissance, qui se montrent capables de trouver dans la langue parlée les ressources nécessaires pour faire œuvre de littérateur :

 

« Ce fut, écrit-il à propos de son propre cousin Jean-Mathurin Cadic, un maître de la langue bretonne qu'il parlait avec pureté, en puisant à la source populaire, sans sacrifier au mauvais goût d'une jeune école qui croit la servir, en fabriquant des mots nouveaux, trop souvent incompréhensibles

(La Paroisse bretonne de Paris, décembre 1923, p. 2.)

 

 

» Clémence Le Berre est elle-même appelée à témoigner :

 

« Quoiqu'elle n'eût appris ni ses prières, ni son catéchisme en breton, quoiqu'elle fût restée des années sans avoir l'occasion ni de lire du breton, ni de s'exprimer en breton, elle ne parlait pas moins le breton avec une singulière perfection et une pureté que bien des gens en Basse-Bretagne auraient enviées. Mots et expressions étaient du crû et portaient leurs marques de noblesse, sans altération. »

 

 

À différentes reprises, François Cadic défend donc l'idée d'une Bretagne — celle de l'intérieur notamment — qui, face à la modernité, l'urbanisation, le cosmopolitisme, a su conserver son intégrité, son « âme », sa pureté originelle. Cette Bretagne dont le pilier demeure le paysan peut seule faire obstacle à une uniformisation en marche qui prend ses modèles dans des villes perverties.

5 Mort d'un dialecte : une étonnante indifférence

 

Dans l'entre-deux-guerres les préoccupations des jeunes intellectuels bretons se tournent donc davantage vers la politique. Le Groupe régionaliste breton, créé en 1918, se transforme, en 1927, en Parti autonomiste breton, conservant pour organe la revue Breiz atao (Bretagne toujours).

 

Les collectes de littérature orale connaissent un arrêt brutal, les traditions populaires ne sont plus vraiment à l'ordre du jour. C'est ainsi que disparaissent, dans une grande indifférence, les derniers sonneurs de veuze, une cornemuse spécifique en usage dans le pays guérandais et le Marais breton-vendéen.

 

(Note Karrikell, il est quand même dommage que l'auteur utilise ce néologisme de marais "breton vendéen" créé dans les années 1980 par le Conseil Général de Vendée, alors que le terme utilisé de tous temps est "Marais Breton")

 

L'instrument apparaît même comme le témoin indésirable d'une époque révolue : on en a honte, on le cache, on le casse

(Musique Bretonne, Douarnenez, Chasse-Marée/ArMen, 1996, p. 168.)

 

Rares sont ceux qui s'attachent alors à recueillir les derniers témoignages de cette pratique.

 

Ajout Karrikell : Joueurs de Veuze (Pays Guérandais) 2me  Photo à droite le sonneur est "le rouge de Bréca" (son surnom)

Ajout Karrikell : Joueurs de Veuze (Pays Guérandais) 2me Photo à droite le sonneur est "le rouge de Bréca" (son surnom)

Tandis que le sobriquet de « ploucs », dont Le Robert relève un emploi écrit dès 1936, caractérise désormais une population bretonnante et paysanne quelque peu arriérée

(Francis Favereau, article « Ploucs », dans le Dictionnaire du patrimoine breton (Croix/Veillard 2001, 774). Peut-être est-ce une allusion aux nombreuses communes bretonnes dont le nom commence par « Plou »)

, binious et bombardes, costumes, danses... et langue bretonne en apparaissent comme les signes les plus tangibles :

 

« À notre question “Connaissez-vous par ici des gens parlant breton ?” ce fut la stupéfaction dans l'auberge où nous étions entrés, écrit François Cadic. Il y eut un sourire sur les visages qui voulait dire : “Sûrement ceux-ci doivent arriver de Basse-Brette (Basse-Bretagne) pour avoir des idées pareilles. Ils retardent" (Ceux-ci », traduction du breton er re-mañ, mis dans la bouche de Guérandais par l'abbé Cadic, est un idiotisme qui ne leur était guère familier)

 

Comment dès lors être surpris du peu de réaction face à la disparition annoncée du breton parlé dans la presqu'île guérandaise ?

 

À la fin du xixe siècle et dans les premières années du xxe, quelques érudits tels que Léon Bureau

(Dans la Revue celtique, III, 1877, p. 230, il a publié la parabole de l'enfant prodigue avec une traduction)

, Émile Ernault

(Auteur d'une « Étude sur le dialecte breton de la presqu'île du Bourg de Batz », dans le Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 1882, p. 212-249)

, Pître de Lisle du Dréneuc

(Dans le Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 1888, est publiée une chanson en langue bretonne qu'il a recueillie en 1872 auprès d'une fillette du Bourg-de-Batz. Dans ce même volume, qui contient le compte rendu du congrès tenu l'année précédente au Croisic, La Villemarqué donne une version qu'il a lui-même collectée pendant le congrès. En 1891, Pierre Bézier confie une troisième version de la chanson à la Revue des traditions populaires (p. 369))

, Pierre Bézier, se sont toutefois préoccupés d'en préserver quelques rares témoignages.

 

 

Atlas linguistique de la Basse-Bretagne de Pierre Le Roux (1911) (ajout karrikell)

 

Il convient aussi de signaler le point d'enquête de l'Atlas linguistique de la Basse-Bretagne réalisé par Pierre Le Roux en 1911, auprès de Suzanne Le Duc

(Née le 2 mai 1838)

, veuve Guillaume Legars, une journalière de 72 ans, parente, selon Gildas Buron, du dénommé Le Du évoqué par François Cadic dans son article.

(Effectivement, il y avait dans ce village un vieillard nommé Le Du et surnommé Maurouard, qui comprenait le breton. Il était absent. » Il s'agit très certainement de Jean-Marie Le Duc (29 octobre 1848-3 janvier 1927), fils de René et Élisabeth Lacroix, paludier de Trégaté, mais né à Roffiat. Cette précision m'a été apportée par Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants à Batz-sur-mer, que je tiens à remercier pour les précieuses informations qu'il m'a fournies.)

 

ajout karrikell : extrait "méridonal" du pont "Je ne sais pas "de l'Atlas linguistique de la Basse-Bretagne réalisé par Pierre Le Roux, on y voit le point 90 a l'extreme sud (Batz)

ajout karrikell : extrait "méridonal" du pont "Je ne sais pas "de l'Atlas linguistique de la Basse-Bretagne réalisé par Pierre Le Roux, on y voit le point 90 a l'extreme sud (Batz)

On peut donc regretter, alors qu'il suggère l'existence d'autres locuteurs potentiels, que ce dernier ne se soit pas attardé davantage, ou ne soit pas revenu sur place pour effectuer une vraie enquête dont ses talents de collecteur le rendaient tout à fait capable. De sa conversation avec Clémence Le Berre, il nous livre, en tout et pour tout, un simple bout de phrase !

(Bodéet de ober en dra beneg (accoutumé de faire quelque chose) qui, selon Gildas Buron, serait une normalisation de *Bodéet dobeir un dra benag (Lettre du 10 janvier 2001). Les formes usuelles du dialecte de Batz pour « habitué(e) » sont boez, boezeit.)

 

 

Et il faudra attendre 1959 pour que A. Russon, P. Loquet et P. Manach réalisent, auprès de Jean-Marie Cavalin

(Habitant le village de Trégaté, il était né en 1871 dans celui de Roffiat où, en 1925, François Cadic signale la présence probable de bretonnants. On peut entendre cet enregistrement sur le cédérom qui accompagne le catalogue de l'exposition Parlons du breton organisée par l'association Buhez à Rennes, en 2001)

, alors âgé de 88 ans, le seul enregistrement aujourd'hui disponible : après une conversation en français, on l'entend simplement compter jusqu'à douze !

 

C'est seulement en 2005 qu'un premier travail universitaire est consacré au breton de la presqu'île guérandaise, sous la forme d'un mémoire de maîtrise. Son auteur, Yves Mathelier, y propose un dictionnaire et une grammaire du breton de Guérande, pour l'élaboration desquels il a dû, malheureusement, se contenter de sources uniquement écrites (Mathelier 2005).

 

Il faut toutefois signaler les travaux de Gildas Buron, le conservateur bretonnant du Musée des marais salants à Batz-sur-Mer. En 1983, il avait rédigé un mémoire de sociologie sur les conditions du maintien et de la disparition du dialecte local (Buron 1983). Et, à la fin de l'année 2006, il a consacré au breton de Guérande une exposition. Il prépare par ailleurs une publication contenant divers documents inédits : textes suivis, chansons, dictons, matériaux divers et témoignages recueillis depuis 1979.

 

Si Clémence Le Berre et Dolly Pentreath n'ont donc pas connu la même postérité, elles ont toutefois bien en commun de ne pas avoir été les dernières locutrices de leurs langues respectives.

 

En Cornouaille britannique, il y avait encore au début du xixe siècle des personnes capables de parler la langue et, tout au long de ce même siècle, des érudits se sont attachés à recueillir les dernières traces du cornique (formulettes, prières, chansons, dictons et proverbes...) pour établir des dictionnaires.

 

(En 1865, le galloisant Robert Williams publie un premier dictionnaire, Lexicon Cornu-Britannicum. En 1879 paraît un glossaire des noms de lieux dû au révérend John Bannister. Son œuvre sera poursuivie par son ami Frederick Jago, auteur en 1882 de The Ancient Language, and the Dialect of Cornwall auquel est joint un important appendice consacré à Dolly Pentreath. En 1887, Jago édite également un English-Cornish Dictionnary)

 

De même, dans le pays de Guérande, la langue bretonne n'a réellement disparu qu'au début des années 1980, dans une relative indifférence, d'autant plus surprenante qu'elle intervient à une époque où la question de la langue bretonne et de son enseignement est l'objet d'un vif débat.

 

(La première école Diwan, école monolingue en langue bretonne, a été créée en 1977)

 

C'est que les préoccupations se portent alors davantage sur l'avenir de la langue bretonne elle-même, notamment pour les jeunes générations, que sur des aspects plus patrimoniaux.

 

Toujours est-il que le breton de Guérande a fini par disparaître totalement et que sa mort ne s'est pas, en définitive, accompagnée de l'émergence d'une figure emblématique de dernier locuteur.

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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 23:26
Le dialecte Guérandais - YVES MATHELIER

Avant-Propos Karrikell :
Rendons à César ...
Voici le mémoire de maitrise qui a popularisé de nouveau le dialecte guérandais dans le petit cercle des passionnés de la matière bretonnante en Loire-Atlantique. 
Bien sûr les érudits connaissaient déjà les sources auxquelles Yves Mathelier fait référence.
Mais pour les béotiens comme moi, ce fut une découverte car je pensais qu'on ne connaissait du dialecte guérandais que la chansonnette "Mer'hed a Gervaleg".
Ce fut un coup de tonnerre dans le minsucule monde des aficionados de la Loire-Atlantique bretonne.

Cet article est l'introduction au mémoire de maîtrise d'Yves Mathelier :

LE DIALECTE GUERANDAIS
(dialecte breton du pays nantais)


Jusqu'au milieu du XXe siècle un dialecte breton a été parlé dans la presqu'île Guérandaise, où il s'est éteint quelques années après 1959 date où fut enregistré Monsieur Jean Marie CAVALIN. Agé de 88 ans il devait être l'un des derniers à connaître le dialecte breton autochtone du pays nantais.

A la fin du XIXe siècle, Léon BUREAU armateur Nantais, brillant philologue a entrepris de collecter les derniers témoignages de cet idiome. Il collecta dans des cahiers manuscrits une foule de phrases et deux dictionnaires. Il ne publia qu'un seul texte; la traduction de la parabole de l'enfant prodigue (Revue celtique, Paris chez Vieweg, vol.III nO 2 juin 1877, page 230). Il confia les originaux de ses travaux au professeur Emile ERNAULT, éminant celtologue de l'époque.
Malheureusement celui-ci ne publia pas l'intégralité de l'oeuvre de Léon BUREAU, et c'est au travers des divers publications du professeur ERNAULT que nous entrevoyons la qualité de son travail. C'est aussi grâce à ces travaux que le professeur Pierre LE ROUX n'omit pas la presqu'île de Batz lors de l'élaboration de son Atlas Linguistique de la Basse Bretagne.
Avant Léon BUREAU, seul le préhistorien nantais Pître de LISLE DU DRENEUC s'était interessé à ce dialecte en collectant la seule chanson connue en breton guérandais.

L'ambition de cet ouvrage est de reconstituer l'oeuvre de Léon BUREAU en collectant toutes les traces laissées par les différents auteurs et retrouver ainsi les contours de ce dialecte aujourd'hui disparu. Toutefois n'étant ni philologue, ni linguiste, ni même excellent bretonnant je ne peux prétendre effectuer un travail sans reproche. J'essaierais cependant d'effectuer une étude honnête.

Dans un premier temps je vais répertorier toutes les sources connues. Puis l'ensemble du vocabulaire connu va être classé sous forme d'un dictionnaire du dialecte Guérandais.

J'essayerai de dégager les règles de la prononciation et de la grammaire qui font l'originalité de ce dialecte, telles que l'on peut les percevoir dans les différentes sources.

Ensuite je listerais les quelques traces de breton que le gallo "mitaw" du pays Nantais a conservées jusqu'à nos jours, grâce aux travaux de l'association Vantyé et de Yann MIKAEL.

Pour finir je vais essayer de retracer l' histoire de ce dialecte breton dans le pays nantais.

Les sources sont peu nombreuses, et deux auteurs nous apportent l'essentiel du matériel.Emile ERNAULT nous en donne l'essentiel dans son étude sur le dialecte breton de la presqu'île de Batz.
Pierre LE ROUX dans son Atlas Linguistique de la Basse Bretagne confirme et complète celle-ci.
Mais à ce socle principal, j'ai rajouté toutes les autres sources rencontrées qui traitaient du breton de Batz. Parmi celles-ci, nous avons les phrases et mots qu'Emile ERNAULT donne tout au long de ses articles. Je me suis donc mis en recherche de tous ses articles pour débusquer les quelques mots et phrases essentiellement dans la bibliothèque municipale de Rennes, mais aussi à la médiathèque de Nantes, et aux archives départementales de la Loire Atlantique et du Morbihan.

A celà s'ajoute les textes de Léon BUREAU, essentiellement la traduction de la parabole de l'enfant prodigue,les versions de la chanson la ronde des filles de Pître DE LISLE DU DRENEUC, et P BEZIER; l'article de François CADIC sur les derniers bretonnants de la presqu'île de Guérande. J'ai vainement recherché les manuscrits originaux de Léon BUREAU qui ont servi de matière première à Emile ERNAULT

Néanmoins le matériel dont nous disposons est loin d'être négligeable, tant par sa quantité que par sa qualité. Heureusement les auteurs ont tous cherchés à retranscrire les spécificités de l'accent, ce qui nous permet d'avoir une idée assez claire de ce dialecte. La confrontation, lorsque cela est possible, entre les différentes transcriptions m'ont permis d'émettre quelques hypothèses quant aux constantes de la prononciation locale.
Malheureusement je n'ai pas toujours pu retranscrire dans cet ouvrage la graphie employée par les auteurs. Il est donc souhaitable de se reporter aux documents.
J'ai donc employé une graphie de l'accentuation et de la prononciation du dialecte Guérandais inspirée de celle employée dans l'ALBB mais simplifiée parce que l'outil informatique utilisé ne me permettait malheureusement pas retranscrire toute la finesse de l'étude de P. le Roux. .
...
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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 11:28

 

bureauExposition temporaire (16 septembre 2006 – février 2007)

 

La langue bretonne au pays de Guérande " Ar brezhoneg e Bro Gwenrann"

Exposition au musée des marais salants de Batz-sur-Mer

Par Gildas Buron

 

Source de l'article  : Site internet « Cap Atlantique » : communauté de communes de La Baule

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaire Karrikell :

 

J’ai ajouté la signature de Gildas Buron dans le titre et en bas de cette présentation, la modestie de Gildas Buron du-t-elle en souffrir !

En effet, cette exposition a été pensée, composée entièrement par Gildas Buron, conservateur du musée des marais salants de Batz et grand spécialiste et passionné de la langue bretonne en presqu’île de Guérande.

Elle s’est déroulée en 2007 au musée des marais salants de Batz et a également été exposée au Conseil Général de Loire-Atlantique à Nantes.(Merci qui ? Merci Patrick Mareschal...)

 

J’ai quelques petites réserves sur l’appréciation du dialecte de Batz par Gildas Buron.

Le qualifier de « créole » est un mot fort et surtout totalement erroné à mon sens, c’est un dialecte breton tout à fait classique surtout pour un dialecte de frontière.Tous les dialectes de la frontière breton/gallo ont puisé allégrement dans le fond lexical gallo.

Sa dégénérescence finale avec une simplification de sa grammaire n’en fait pas un créole, nous assistons aujourd’hui à la même chose avec les « terminal speakers » des autres dialectes bretons.

Son isolement final a accentué son originalité. Mais jusqu’au 18eme siècle, je pense qu’il y avait transition naturelle entre le dialecte de batz et les parlers vannetais orientaux. Un continuum qui a été coupé au 19eme siècle et qui a accentué les différences.

 

On attend avec impatience l’ouvrage de référence –annoncé dans cet article - de Gildas Buron sur ce sujet !

 

 


 

L’exposition La langue bretonne au pays de Guérande se propose de jalonner par des témoignages méconnus ou inédits l’histoire et l’héritage de la langue bretonne entre Loire et Vilaine.


Dans ce territoire du sud Bretagne, le breton, langue celtique insulaire qui s’est répandue ici au tournant des 5e et 6e siècles, est au Moyen Âge, dans une situation linguistique pour le moins singulière.

 

Il est alors en concurrence avec les langues d’origine romane, le gallo parlé dans les campagnes et un français teinté de régionalismes et de bretonnismes usité dans les pôles urbains et militaires de Guérande, du Croisic, de la Roche-Bernard et dans la partie de la paroisse d’Assérac soumise à l’influence des templiers et hospitaliers de Faugaret.

 

Il reste qu’au 16e siècle, les élites locales, clercs des administrations royale et seigneuriale, marchands-mariniers… qui utilisent le breton pour langue quotidienne et familiale, sont en fait très souvent polyglottes.

Besoins et nécessité de leurs activités obligent.

 

Dans la seconde moitié du 16e siècle, l’aire géographique de la pratique de la langue bretonne tend à se resserrer autour des bastions littoraux qui resteront encore les siens à la charnière des 18e et 19e siècles en partie pour des raisons commerciales : Piriac, La Turballe-Trescalan, Mesquer et Batz.

 

Dans cet espace géographique, les habitants des villages du Bourg-de-Batz, à l’identité depuis longtemps affirmée et reconnue, se sont distingués en prolongeant l’usage du breton comme langue communautaire et secrète jusqu’aux années 1910-20.

 

L’intérêt d’en avoir maintenu la pratique tout au long des 18e et 19e siècles est d’ordre stratégique et économique. Son apprentissage et sa transmission orales au sein des villages paludiers rendaient plus faciles les échanges commerciaux.

 

Le droit de troque du sel et des oignons était autorisé aux sauniers et aux paludiers dans les départements bretons, et tout spécialement dans les cantons monolingues bretonnants des Côtes-d’Armor, du Finistère et du Morbihan.

 

Ces zones de chalandises ont été fréquentées depuis des générations par les habitants de Batz pour les besoins de subsistance. Dans la lignée d’une tradition de transfert de technologie salicole tout aussi séculaire vers le pays de Vannes, les paludiers de Batz se réservaient aussi la possibilité d’aller exploiter les salines du Morbihan et de s’intégrer aux communautés d’accueil.

 

Le breton autrefois parlé à Batz se rattache au breton du Vannetais.

Il présente aussi des affinités remarquables avec celui du Goëlo employé entre Paimpol, Lanvollon et Plouha aux limites est du Trégor (Côtes-d’Armor), variété d’un même dialecte oriental qui s’est différencié à l’époque médiévale sous l’influence d’un fort adstrat roman.

 

Il est possible de juger de cette parenté par divers documents imprimés et surtout par des sources manuscrites compilées entre 1870 et 1962 et heureusement préservées.La plupart nous sont parvenues après une longue quête documentaire, feuilleton à rebondissements qui s’est écrit sur plus de vingt années, et qui reste à parachever.

 

Tout au long de l’Époque moderne, en raison d’un isolement géo-linguistique, de la débretonnisation avancée du pays de Guérande, de l’abandon du breton par les élites, d’une non-prise en considération par les autorités ecclésiastiques de l’évêché qui ne l’ont pas cultivé au séminaire de Nantes ni fait imprimer d’ouvrage de dévotion spécifique, le dialecte local a fait des emprunts au gallo et au français.

 

À ces raisons, il convient d’y ajouter celles d’un trilinguisme ancien de la population paludière et une scolarisation poussée depuis le 17e siècle sous l’influence de la Contre-Réforme catholique.

 

Les particularités phonétiques, lexicales et syntaxiques du breton de Batz étaient telles, qu’aux dires de ses locuteurs, en particulier des femmes plus sédentaires que les marchands de sel, l’intercompréhension était devenue quasi impossible au début du 20e siècle avec les voisins de Belle-Île ou de la presqu’île de Rhuys qui ont pourtant fourni un important contingent d’émigrés bretonnants tout au long des 17e et 18e siècles au pays de Guérande.

 

Les derniers locuteurs du Bourg-de-Batz qui ont parlé peu ou prou ce “créole breton” dans leur enfance se sont éteints dans les décennies 1940-60 et à l’extrême fin du 20e siècle pour les personnes qui en avaient une connaissance fragmentaire pour en avoir appris des bribes auprès des anciens.

 

Certains en ont retenu de petites phrases comme :

 

Piv hounes me c’houadur ker ?          Qui est-ce mon enfant chéri ?

Me ga dehenn d’er palut,                    je m’en vais au marais.

Mignoñ ker ou mignoñ kar,                enfant chéri, aimé.

Ked a boen !                                        Que de peine !

Malloh tui !                                          Malédiction de Dieu !

 

Et il n’est pas exclu que l’on puisse encore en recueillir en interrogeant la mémoire collective.

À l’aube du 21e siècle, le souvenir de ce brehoñneik ne s’est pas totalement effacé.

 

Qui plus est, à y regarder de près, la langue populaire de toute la région, de Camoël à Batz, en passant par Piriac, La Madeleine et Saint-Molf, recèle une bonne centaine de bretonnismes.

 

Citons pour exemples :

cromme, dans l’expression trop cromme, appliquée à une pelle dont l’angle du manche est fermé (breton kromm, courbe) ;

gronner, envelopper, empaqueter (breton gronnein) ;

lantec, poisson de roche (breton lonteg, lontreg, blennie (Blennius pholis L.) ;

mergler, linge taché (breton, mergl, rouille) ;

poule, flaque d’eau, mare (breton poull, trou, flaque) ;

tuffé, moisi, échauffé qui se dit en parlant du blé (breton tufañ, gâter par la chaleur) ;

sparle, loquet de bois (breton sparl, barre de bois)

 

Bon nombre de ces mots et expressions sont d’ailleurs en passe de devenir obsolètes dans la mesure où ils relèvent d’un registre d’activités appartenant à un monde rural ou à un mode de vie révolus.

 

À cet héritage en cours d’inventaire, il faut ajouter une liste infiniment plus longue, nécessitant un sérieux examen critique, de lieux-dits, habités ou cultivés, au premier rang desquels figurent ceux des salines guérandaises.

 

La langue bretonne au pays de Guérande, synthèse d’acquis récents et inédits, accorde une place importante aux témoins privilégiés du dialecte de Batz.

Il faut retenir entre autres les noms de

Léon Bureau,

Émile Ernault,

Théodore Hersart de La Villemarqué,

Pitre Lisle du Dréneuc,

Pierre Bézier,

Paulin Benoist,

Gaston Esnault,

Pierre Le Roux,

dom Gaston Godu

Pierre Manac’h

Léon Fleuriot

Donatien Laurent

 

Entre 1870 et 1962, au hasard de séjours plus ou moins prolongés, ces collecteurs passionnés par une tradition orale en déshérence ou méprisée ont recueilli phrases, pans de lexique, textes suivis, bribes de chansons et de conversations courantes.

 

Ces collectes s’inscrivent aujourd’hui dans un corpus unique de témoignages sur le patrimoine linguistique régional et d’autant plus précieux et irremplaçable que le dialecte guérandais est éteint.

 

Biographies et visages de ces collecteurs avisés seront présentés en regard des portraits des passeurs du breton des marais salants, femmes et hommes qui n’avaient d’autre ambition que de satisfaire à la curiosité de leurs interlocuteurs et de partager leurs connaissances.

 

Les matériaux originaux de cette exposition donneront matière à une publication de référence.

Pour la première fois, y seront éditées les notes de linguistes sur le dialecte de Batz compilées sous la forme d’un dictionnaire totalisant près de 2000 entrées illustrées d’exemples.

 

Gildas Buron

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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 11:27

Léon Bureau

Armateur nantais aux sources du breton du pays de Guérande

Hubert Chémereau

 

Gildas Buron, conservateur du musée des marais salants au Bourg-de-Batz, travaille depuis près de 30 ans sur le breton du pays de Guérande. A travers l’exposition consacrée à ce rameau de notre brezhoneg (1), il nous fait découvrir un personnage d’exception en la personne de Léon Bureau.

 

Né en 1836 au sein d’une dynastie d’armateurs, ce nantais a consacré son énergie et ses prédispositions pour les langues à collecter dans les villages de Batz, un matériel considérable sur le cinquième dialecte breton, aujourd’hui disparu, le guérandais.

 

Ce contemporain du grand écrivain breton Jules Verne a eu une vie digne des héros de son compatriote nantais. Il fut tout à la fois, grand voyageur, armateur, capitaine d’industrie, naturaliste, linguiste, lexicographe et, pour couronner le tout, polyglotte.

 

Le breton au pays de Guérande

Le breton a dominé dans les campagnes de la presqu’île guérandaise jusqu’à la fin du Moyen-Age pour se resserrer à partir du 16ème siècle, essentiellement autour de ses bastions littoraux qui seront encore les siens à la charnière des 18e et 19e siècles, à savoir : Piriac, La Turballe, Mesquer et Batz.

Fait remarquable, les élites locales qui utilisent alors le breton pour langue quotidienne, sont très souvent trilingues : breton/français/gallo. La non-prise en considération par les autorités ecclésiastiques nantaises de cette spécificité linguistique locale va contribuer à la marginalisation progressive du breton.

Dans cet espace géographique, les habitants des villages de Batz, vont néanmoins se distinguer en prolongeant l’usage du breton comme langue communautaire jusqu’aux années 1920, essentiellement pour des raisons d’ordre commercial.

 

En effet leur zone de chalandise pour la vente du sel se concentre dans les cantons monolingues brittophones de Basse-Bretagne. C’est cette situation linguistique que va bientôt découvrir le jeune Léon Bureau.

 

De Calcuta au Pouliguen

 

Après ses études, Léon Bureau s’embarque en 1852 pour six années d’aventures. Ces navigations océanes vont le mener vers les Indes où il va s’initier au tamil, à l’hindoustani, au

birman et au cinghalais.

 

Comme le souligne Gildas Buron, c’est lors de la traversée de l’océan indien sur Le Rama que Léon Bureau aurait eu le premier contact avec les brittophones de Batz.

Sur ce trois-mâts nantais, il côtoie un muletier, Yves Monfort, né à Kermoisan, qui a pu lui faire découvrir les rudiments de sa langue maternelle. Mais , c’est après son retour définitif à Nantes, en 1859-60, que Léon Bureau va prospecter le Bourg-de-Batz au plan ethnographique et linguistique, parallèlement à une intense activité professionnelle dans l’armement familial et dans la construction navale.

Il va mettre à profit ses séjours de villégiatures balnéaires à Penchâteau sur la commune du Pouliguen, pour entreprendre l’étude systématique du breton parlé dans les villages proches et du gallo des environs.

 

Les derniers « mohicans » de Batz révèlent un pionnier de la dialectologie en Europe

Dans les années 1860, le guérandais est en voie d’extinction sauf dans villages paludiers de Batz. Léon Bureau, conscient de ce trésor en perdition, va mettre tout son énergie pour le sauver de l’oubli. Grâce à un réseau d’informateurs locaux, il collecte un important matériel linguistique qui va lui permettre d’établir une grammaire et dresser deux dictionnaires trilingues illustrés d’exemples et de commentaires ethnographiques. En décrivant un dialecte dans un espace géographique bien délimité, parlé ou compris par quelque 1 300 locuteurs il fait là un travail scientifique totalement original.

 

Comme le fait remarquer Gildas Buron, Léon Bureau, qui est doté d’une excellente oreille, prend soin de consigner les notations bretonnes dans le premier alphabet phonétique de l’époque, mis au point par l’égyptologue et sanskriste allemand, Karl Richard Lepsius.

 

Avec la révélation de son travail au monde savant en 1875, Léon Bureau devient une figure de premier plan des études bretonnes et ethnographiques. Ses compétences en anthropologie bretonne le recommandent pour la préparation de l’Exposition universelle de 1878 et lui valent d’être consulté par ses paires, de Joseph Loth à Théodore de La Villemarqué en passant par François-Marie Luzel !

 

Un des artisans du renouveau breton du 19ème siècle tombé dans l’oubli

A l’image du guérandais qui va lentement s’éteindre au 20ème siècle, son découvreur l’accompagne dans l’oubli, d’autant que ses dictionnaires et sa grammaire qui n’ont pas été édités, ont disparu. On ne connaît le travail de Léon Bureau qu’à travers des témoignages, des articles et des traces dans des archives publiques et privées.

 

Ce chercheur d’avant-garde possédait un bagage linguiste impressionnant. A coté des langues du continent indien, de l’anglais, de l’allemand, du russe ou du breton, il se frotta au suédois, au latin, au grec ainsi qu’au basque de Biscaye.

 

Cette personnalité attachante met aussi en lumière l’importance de l’identité bretonne pour la bourgeoisie nantaise de l’époque. Ces grandes familles qui plongent leurs racines dans la genèse du grand port breton d’alors se sentent dépositaires de l’héritage breton de la « vieille province rebelle». Leur attachement à la Bretagne est intiment liée à cette ouverture océane qui a fait la prospérité de Nantes.

 

On attend avec gourmandise la publication du travail de Gildas Buron sur le breton du pays de Guérande pour en connaître plus sur cet homme d’exception qu’était Léon Bureau.

 

Hubert Chémereau

(1) Exposition «Ar Brezhoneg e bro-Wenrann » jusqu’au 11 mars

Le Peuple Breton Janvier 2007

 

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 08:17

Petit tour d’Internet concernant le breton de Batz

 

 

  • Pour avoir une bonne idée du dialecte de Batz,  on peut lire l'étude d'Emile Ernault, publiée dans le bulletin 1882 de l'association archéologique  bretonne: lire
  • Atlas linguistique de Basse-Bretagne – 1927, un des points de la collecte de 1911 à 1913 est Batz-sur-Mer, on peut donc y apprendre 600 mots du dialecte de Batz en 1927. http://sbahuaud.free.fr/ALBB/

       (en 1911, le breton de Batz est déjà en état de dégénérescence : en 1875, l'informatrice de Léon Bureau,  utilise ur yarn pour une poule. En 1911, celle de Le Roux dit : ur poulete)

 

  • Exposition "Le Breton au pays de Guérande" présentation cap atlantique : Lire                                    (j'ai publié cet article - avec un commentaire critique -  sur mon blog ici :  Lire )

 

 

  • Le mémoire de maitrise d’Yves Mathelier (pour contacter l'auteur :)  yves.mathelier@laposte.fr

 

 

 

 

 

 

 

  •  Musée des marais salants sur cette affiche, on peut voir en bas de l'affiche que Gildas Buron y a ajouté une petite inscription en Breton de Batz !expo_enfants_batz-copie-2.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

KIOMP DE C'HOARI ER MIRDI !

 

Allons jouer au musée !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 

 


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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 08:16

 

Le Breton de Batz-sur-Mer

Brehonñeik Baz

Blog Karrikell

Pour aller sur le premier article et sommaire

 


 

 

Notes et références (10/10)

 

   1. ↑ Jean-Baptiste Nolin (1657-1708), La province ou duché de Bretagne divisée en Grandes Parties, qui sont la Haute, et la Basse Bretagne /

Le gouvernement general de Bretagne, comprenant les lieutenances generales de Bretagne et du Comté Nantois, 1695

   2. ↑ Yves Mathelier, P. 390

   3. ↑ Paul Sébillot, La langue bretonne, limites et statistique, 1886

   4. ↑ Bulletin archéologique de l'association bretonne, session du Croisic, 3e série, Tome 7, pp. 184-185

   5. ↑ http://sbahuaud.free.fr/ALBB/_09_Roll%20ar%20parrezio%F9-2.jpg [archive]

   6. ↑ cf. François Cadic, « La dernière bretonnante de la presqu'île », repris par Bernard Tanguy dans Ar Men n°25

   7. ↑ a et b Pierre Le Roux, Atlas Linguistique de Basse-Bretagne, 1927, [1] [archive]

   8. ↑ a et b Émile Ernault, Étude sur le dialecte breton de la presqu'île de Bourg de Batz, Bulletin archéologique de l'Association bretonne,

 session de Châteaubriant, pp. 212-249, 1882

   9. ↑ Christian-Joseph Guyonvarc'h, Aux origines du breton : Le glossaire vannetais du Chevalier Arnold von Harff, voyageur allemand du XVe siècle,

 Ogam-Celticum, 1984 (le texte original date de 1499), ISBN 2902761031

 

 

 

Sources et bibliographie

 

    * Gildas Buron, Exposition La langue bretonne au pays de Guérande, Musée des Marais Salants de Batz-sur-Mer, Octobre 2006.

    * Gildas Buron, Eléments et propositions pour l'autopsie d'un dialecte breton, Rennes, U.E.R. des Sciences Humaines, 1983

    * Gildas Buron, Les noms des salines en si-, in Bretagne et pays celtiques - Mélanges offerts à Léon Fleuriot, pp. 281-295,

collectif d'auteurs, PUR et Skol 1992.

    * Gildas Buron, la microtoponymie du marais salant guérandais : bilan et perspectives, Nouvelle revue d'onomastique, n°21-22 1993, n° 23-24 1994.

    * Gildas Buron, Le suffixe breton -ed dans l'onomastique guérandaise, Bulletin de la Société Archéologique et Historique de Nantes

 et de Loire-Atlantique, Tome 133, 1998

    * Gildas Buron, La Bretagne des Marais Salants - 2000 ans d'histoire, Skol Vreizh, Morlaix 1999

    * Association Buhez, Parlons du breton, CD audio, Ouest-France, Rennes 2001

    * Léon Bureau, Traduction de la parabole de l'enfant prodigue, Revue celtique, vol. III n°2 p. 230, Paris juin 1877

    * Léon Bureau, Ethnographie de la presqu'île de Batz, Association française pour l'avancement des sciences, 1875.

    * Léon Bureau, Les Bretons des marais salants, Revue scientifique de la France et de l'étranger, 2e série n°7, 12 août 1876

    * Emile Ernault, Etude sur le dialecte breton de la presqu'île de Batz, Bulletin archéologique de l'Association Bretonne, 1882

    * Fañch Broudic, A la recherche de la frontière - la limite linguistique entre Haute et Basse-Bretagne aux XIXe et XXe siècles,

Ar Skol vrezhoneg, Brest 1995.

    * Jean-Yves Le Moing, Noms de lieux bretons de Haute-Bretagne, Coop Breizh, Spézet 1990

    * Yves Mathelier, Le Guérandais - dialecte breton du pays nantais, Mémoire de maîtrise, 2005

    * Bernard Tanguy, La langue bretonne au pays de Guérande, revue Armen n°25, 1990

 

 

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Le Breton de Batz-sur-Mer

Brehonñeik Baz

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Toponymie et onomastique (9/10)

 

Le recours à ces dernières ne permet pas de trancher la question avec certitude. Voici tout de même des éléments qui laissent à penser que le breton de Batz-sur-Mer aurait été le dernier représentant d'un dialecte guérandais disparu.

 

  •  Breton de Batz bihen ou biheñ, petit (autres dialectes bihan) :

 

        toponymes Le Locbihen à la Turballe, Le Pont Bihen à Guérande et Saint-Lyphard,

         Le Bihen à Pénestin, Le Bihin à Saint-André-des-Eaux,

         Le Nibehen (> *lennig bihen ?) à Guérande, Le Pourbien (> *poull bihen ?) à La Baule-

         Escoublac, et lieu-dit Port-Bihain à Saint-Molf (cité par Gustave Blanchard en 1883).

 

  • Noms de famille Le Bihen et Le Bihain en presqu'île guérandaise.

 

         Mais toponymes Coët Bihan et Fourbihan à la Turballe. De même, l'étude des toponymes

        régionaux révèle une minorité de formes anciennes en -en.

        Ex : Douar Bihan de Kerbéan (Batz-sur-Mer), noté Douart bian en 1658, Douar bihen

        en 1678, Douairbian et Douarbihan en 1679.

 

  • Breton de Batz tréo, vallée (KLT traoñ, vann. teno), déduit à partir de ou-tréo, en bas > toponymes Tromartin à Guérande (Tromarzin 1480),

       Troffigué à Guérande (Troffiguet 1549), Trologo à La Baule-Escoublac (Trologoff 1623),

        Kerantrou au Pouliguen (Querantrou 1678). L'évolution du groupe tn > tr semble attestée

        depuis le XVe siècle au moins dans la presqu'île de Guérande, au contraire du pays

        vannetais qui a conservé tn.


  • Breton de Batz fedein, fontaine (KLT feunteun, vann. fetan) cf. le toponyme Feden Go à Batz-sur-Mer (noté Fontaine Goff en 1680) >

        toponymes Le Goveden à Férel (*Er Goh Feden, la vieille fontaine) et Goffedin à Mesquer

        (idem). L'adoucissement de la consonne t > d est bien  présent, particularité inconnue

        ailleurs.

 

Phrases en breton de Batz-sur-Mer

 

Les exemples suivants, tirés des travaux de Léon Bureau et Émile Ernault[8], permettent de se faire une idée précise des particularités de ce parler.

 

    * « Pihaneñ a noñ chtri zo er vrasoc'h » ? (variante : vraseñ) > « Lequel de nous trois est le plus grand ? »

    * « Hia ez chèit sé erbèit d'heñ lakel » > « Elle n'a aucune robe à se mettre »

    * « Hañ bwéi venéi laret ke tchèit ter hi fot éhéoñ e wé » > « Il aurait voulu dire que ce n'était pas de sa faute

    * « En dèn a bif hou gourn kevèl » > « L'homme de qui vous demandez des nouvelles

    * « Un amezèir benak goudé, er yaweñkeñ a bwé vol dachtumèit hag a wé èt abar ur bro pèl-mat, hag anhéoñ hañ bwé débrèit vol pèh-ma en devwé »

> « Quelque temps après, le plus jeune avait tout ramassé et était allé dans un pays lointain, et là-bas il avait mangé tout ce qu'il avait

    * « Ur vèij anhéoñ, hañ fehé béi koñteñ-mat débreñ hi guarc'h aven er boèit ma er morc'h a zebreñ, mè nikoeñ ne ré nétre de-héoñ » >

« Une fois là-bas, il aurait été bien content de tirer sa subsistance de la nourriture que les porcs mangeaient, mais personne ne lui donnait rien.

    * « N'é ke puto det d'er gèr » > « Il n'est pas plutôt venu à la maison

    * « Ma me beét tchèit sérèit me lagadéo, hi beét ma dalèit » > « Si je n'avais pas fermé les yeux, tu m'aurais aveuglé

    * « Er vatèic'h a me sat » > « La servante de mon père

    * « De de yahat » > « A ta santé

    * « Me dochté ar gèr pi er glow déez me gamerèit » > « J'approchais de la maison quand la pluie m'a surpris

    * « A-blèic'h i zéo ? » > « D'où es-tu ?

    * « Ma foda lèc'h éma legn a rac'h ter boeik » > « Mon pot de lait est plein à ras bord

    * « Me de chelevou tchèit » > « Je ne t'écouterai pas

    * « Hañ ga de reñ glow ember » > « Il va pleuvoir tout à l'heure

    * « Azurh miteñ dezurh en nos » > « Du matin jusqu'au soir

    * « Pikèit ter ur geliéoñ » > « Piqué par une mouche

    * « Me forh tchèi bitèrh lakel mouid abars » > « Je ne peux pas du tout en mettre beaucoup dedans

 

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Le Breton de Batz-sur-Mer

 

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Le glossaire de Von Harff (8/10)

 

Le glossaire breton noté à Nantes en 1499 par le chevalier allemand Arnold Von Harff[9] présente des traits nettement sud-armoricains, peut-être comparables au breton de Batz après décryptage des sons rendus par les graphies moyen-allemandes de Von Harff.

 

Exemples :

 

  • sel : haelen (pour /ha:len/), Batz héleñ, mais vannetais halen.
  • eau : doir (pour /dur/), Batz dour, vannetais deur.
  • boire : hisit (rétabli en probable /ivit/), Batz eveit ou evet, vannetais ivein (mais Damgan ivat > infinitif en t aussi).
  • Dieu : Doie (pour /du:e/), Batz douhé
  • deux : duwe (pour /dow/), Batz do ou doé

 

 

von_harff_comment.JPG

 

 

Ce glossaire présente plusieurs limites : le lieu d'origine de l'informateur n'est pas précisé, ce qui laisse planer une incertitude ;

C.-J. Guyonvarc'h penche pour la presqu'île de Guérande. En outre Von Harff n'était qu'un simple curieux et a réalisé une notation approximative de

ce qu'il a entendu. On retiendra surtout de ce document unique, premier témoignage effectif sur le breton parlé, que la dialectalisation du breton

était accomplie à la fin du XVe siècle.

 

 

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Le Breton de Batz-sur-Mer

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Collecteurs du breton de Batz (7/10)

 

 

leon_bureau.JPG

 Léon Bureau

 

 (extrait de l'affiche de l'exposition

"La langue bretonne au pays de Guérande"

Musée des marais salants -Batz-sur-Mer)

 

 

Léon Bureau, industriel nantais et passionné de langues, fut le principal collecteur du breton de Batz. Il l'apprit vers 1875 au contact de différents informateurs, dont Marie-Françoise Mouilleron, qui exerçait la profession de porteuse de sel. Son intérêt pour le breton de Batz

s’expliquerait par une histoire peu banale : il aurait vécu un naufrage avec l’un des membres de la communauté bretonnante locale. 

Citons Emile Ernault[8], qui compila les notes de Bureau, puis Pierre Le Roux en 1910 (ALBB[7], Batz est le point d’enquête 90),

Dom Gaston Godu en 1942, Per Manac’h en 1959, Léon Fleuriot en 1960-61 et Donatien Laurent en 1962, qui tous interrogèrent des locuteurs.

Plus récemment, citons le rôle particulier de Gildas Buron, conservateur du Musée des marais Salants de Batz, qui a réuni une quantité appréciable d’informations sur le breton local au long de 25 années de recherches documentaires et d’enquête auprès des enfants et petits-enfants de bretonnants, et a rassemblé la plus grande part des sources connues.

Aujourd’hui on connaît du breton de Batz plus de 2000 mots et formes verbales issus de textes et de nombreuses notes, une chanson complète et deux bribes de chansons, et un court enregistrement d’un locuteur, M. Jean-Marie Cavalin, réalisé en 1959 par Per Manac’h. L’ensemble de ces données sera prochainement présenté dans un ouvrage de référence que prépare G. Buron.

   

Un cinquième dialecte du breton ?

Il est tentant de considérer le breton de Batz-sur-Mer comme un dialecte à part du fait de ses nombreuses particularités : en comparaison, il

est plus éloigné du vannetais que le léonard ne l'est du cornouaillais. Certains emploient même le terme de « breton guérandais », mais en

 l’absence regrettable d’études sur le breton parlé autrefois dans le reste de la presqu'île de Guérande, ou même de données antérieures au

 XIXe siècle, comment déterminer si ces particularités sont dues à l’isolement, ou si elles sont la marque d'un supposé dialecte guérandais ?

 Voici quelques éléments de réponse : 

 

Trois mots notés à Piriac en 1823

 En 1823, Edouard Richer collecta à Piriac-sur-Mer trois mots bretons qui semblent présenter les traits du breton de Batz-sur-Mer : 

    * garelé (plie, sorte de poisson) comporte, à côté du vannetais karlé, l’adoucissement de la consonne initiale k > g relevé à Batz-sur-Mer

dans des mots comme gorn et garreik. Cependant cette prononciation touche aussi dans le français régional des mots romans : gamion pour camion, etc. L’influence de la phonétique bretonne n’est donc pas certaine.

    * morgouilh, méduse, n'est pas attesté en breton de Batz. On notera toutefois l'emploi du très similaire « margouille » dans le gallo de la proche Brière, ce qui suppose la diffusion ancienne de ce mot dans le breton régional.

    * kourrikan (noté Kourican par Richer), variante de korrigan, est connu sous une forme identique à Batz-sur-Mer (témoignage recueilli par Gildas Buron) et au Pouliguen (« Grotte du Courican » citée par Aristide Monnier en 1891, aujourd'hui Grotte des Korrigans sur la carte IGN).

 

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Le Breton de Batz-sur-Mer

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Particularités et originalités par rapports aux autres dialectes du breton

 

  •   Lexique original

 

  • Français Breton de Batz
    de aven (ex : « Aven pif komzit hui ? » = de qui parlez-vous ?
    chouette fremoutchel
    bleu bichuen
    sauterelle chalirik
    rencontrer par hasard chañgaf
     

 

  •     diphtongaisons sous l'accent

 

 

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
Rennes   Roazhon ou Raon Roan, Ruan, Roéon ou Roéuon   Roeñheoñ
trouvé   kavet kavet    kaveit
onze   unnek unnek   unneik
nourriture   boued bouid ou boéd   bwèyt
  •     à l'inverse, réduction fréquente des diphtongues présentes dans les autres dialectes

 

 

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
sept seiz seih sèc'h
ensemble keit-ha-keit    keñt-er-keñt
milieu kreiz   kreiz krès
Bretagne Breiz Breih Brèrh


 

  •     prononciations originales

 

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
tout holl ol vol
rencontre    arben   rebeñ
genêt balan

  benal,bonal ,belann 

barlen en vannetais signifie verveine

barlen
sardine sardinenn sardrinen sarheñ
nous trois     noñ chtri
les pieds   treid chtrédéo


, Batz sarheñ, « sardine », KLT  et vann. sardrinen ;  : « nous trois » ;  : « les pieds », etc.

 

   

  •  généralisation de la conjugaison impersonnelle

 

sous une forme grammaticalement incorrecte dans les autres dialectes bretons > « Aven pi gherat i zeo ? » = De quel village es-tu ?

 

 

  •     pronoms personnels

 

hi, « tu », ra, « elle », noñ, « nous », dañ, « ils »

 

 

  •     généralisation du présent locatif

 

 

emañ (verbe bout, sous la forme ma) à la place de zo > Ma guen = c'est blanc (se retrouve aussi en cornouaillais)

 

 

  •     adoucissement de la consonne initiale k de certains mots

 

 

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
coin, angle   korn korn   gorn
rocher   karreg karreg    garreik
table   taol taul   dowl 

 

 

(la batzien dowl d'où l'hypothèse d'Yves Mathelier que le mot dolmen serait un emprunt au breton guérandais).

 

 

  •     adoucissement de certaines consonnes internes

Batz fedein, KLT feunteun, vann. fetan, « fontaine ».

   

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
fontaine
  feunteun fetan   fedein
  •     méthathèses (parfois communes à certains parlers haut-vannetais)

 

   

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
par
  dre dre   ter
fièvre
  terzhienn derhian    treheñn
maintenant
  bremañ berma, berman
  beurmeñ

 

 
  •     fréquence élevée des pluriels en –i

 

Français Breton KLT Vannetais Breton Batz
des rochers
kerreg ou kerrigi   kerreg   garegi
des demoiselles
demezelled damezeled   demoazili
des chemises
rochedoù rochedeu
  rocheidi

des chaises

kadorioù kadoerieu kwadiri

des tables

taolioù tauleu dowli

des juments

kazeged kazeged kazegi

 

 

  •     changement de genre de nombreux noms, voire dégénérescence des mutations dans certain cas

ex. er kac'h (le chat) noté dans une chanson.

 

  •     emprunts lexicaux très nombreux au gallo

semitere, « cimetière » ; krapaodeñ, « crapaud » ; oubieñ (= ou bien), « sinon » ; siffleñ, « siffler », etc.

 

Nombre de ces particularités sont à mettre au compte d’un contact prolongé avec le gallo, ainsi que d’une isolation relative par rapport aux autres parlers bretons. D’autres semblent relever d’un archaïsme propre aux parlers périphériques.

 

SUITE DE L'ARTICLE

 

 

 

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